On soupçonnait que certaines substances chimiques, sans danger pour l’homme administrées séparément, pouvaient devenir toxiques une fois combinées entre elles. Cet « effet cocktail » était « brandi sans donner d’explication rationnelle, explique Patrick Balandier de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (unité INSERM U1194) et, pour la première fois, nous apportons la preuve de l’existence d’un effet cocktail pour un récepteur, avec une explication scientifique ». Avec William Bourguet, de l’université de Montpellier, Patrick Balandier a en effet montré in vitro que deux xénobiotiques, l’éthinylestradiol et le trans-nonachlor (un pesticide organophosphoré interdit depuis les années 1990), une fois combinés, bénéficiaient d’une excellente affinité avec un récepteurs nucléaires impliqué dans la détoxification par le foie.
480 combinaisons différentes
Les chercheurs ont dressé une liste de 50 médicaments et perturbateurs endocriniens qui, pris séparément, avaient une faible affinité pour le prégnane X receptor (PXR). Il ont ensuite testé l’affinité de 480 combinaisons pour ce même récepteur. Le PXR n’a pas été choisi par hasard : il a été identifié par le programme ToxCast de l’agence américaine de protection de l’environnement comme une cible prioritaire des produits chimiques exogènes. « Ce récepteur, exprimé dans le foie, n’est pas activé en temps normal. Il est sollicité quand il y a des molécules exogènes ou un excès hormonal à éliminer précise Patrick Balandier, s’il est actif alors qu’il ne devrait pas l’être, il risque par exemple d’éliminer des médicaments et d’en minimiser l’efficacité. On pense qu’il joue un rôle dans le manque d’efficacité des traitements anticancéreux. »
Parmi ces 480 combinaisons, une association a émergé : celle de l’éthinylestradiol et du trans-nanochlor. Pris indépendamment, il faut de très grandes concentrations d’éthinylestradiol ou de trans-nanochlor pour atteindre péniblement un taux de 40 % des récepteurs PXR activés. À la même concentration, une combinaison des deux atteint 100 % d’activation. D’autres tests ont été menés avec des molécules voisines, dont l’œstrogène naturel. Le même phénomène a été observé, bien que de plus faible ampleur.
La chasse aux interactions médicamenteuses est ouverte
« Nous avons obtenu cette première preuve avec un œstrogène et un pesticide, mais ce phénomène pourrait être observé avec une combinaison de deux médicaments », poursuit Patrick Balandier qui voit plus dans ces résultats un intérêt capital dans le domaine de la recherche d’interactions médicamenteuse que dans celui des effets des perturbateurs endocriniens. Il explique que son équipe a utilisé « des concentrations de perturbateurs endocriniens largement supérieures à celles correspondant aux niveaux moyens d’exposition. En revanche, la prise à un médicament, expose les cellules du foie à des concentrations compatibles à celles employées in vitro. »
Les équipes de Patrick Balandier et de William Bourguet vont maintenant vérifier in vivo les effets de l’association de l’éthinylestradiol et du trans-nanochlor dans un modèle de poisson zèbre exprimant des PXR humains. En parallèle ils comptent acheter des banques de 1 600 médicaments pour une nouvelle campagne de criblage. À l’avenir, d’autres récepteurs seront également testés, comme le ppar gamma, un récepteur impliqué dans l’obésité et le diabète qui, comme le PXR, ne dispose pas d’un liguant très spécifique.
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