Comme l'a reconnu l'organisation mondiale de la santé (OMS), à l'issu de sa réunion du 22 mars dernier, l'infection d'une femme enceinte lors de son premier trimestre de grossesse par le virus Zika est liée à une augmentation du risque d'anomalie fœtale en général, et de microcéphalie en particulier.
Le neurotropisme et la neurovirulence du virus Zika ont été signalés dès les premières descriptions du virus par le virologue britannique Georges Dick en 1952, 5 ans après la découverte du virus en Ouganda. Ce n'est toutefois que récemment que son action délétère sur les cellules-souches et progénitrice du système nerveux a été montrée lors d'expérience in vitro.
De plus, les mécanismes moléculaires qui lient l'infection par le virus Zika à ses conséquences neurologiques étaient complètement inconnus, jusqu'à ce que le Dr Tomasz Nowakowski et ses collègues du centre Eli et Edythe Broad de médecine régénérative et de recherche sur les cellules-souches (université de Californie) ne reprennent le problème à la base et découvrent le rôle clé joué par le récepteur à tyrosine kinase AXL.
Un récepteur déjà mis en cause dans la dengue
« Les mécanismes connus à l'origine des microcéphalies s'appuient sur une perte des cellules de la glie radiale, à l'origine des cellules souches neurales constituant le cerveau en développement », expliquent les auteurs dans une étude publiée dans « Cell Stem Cell ». Ils ont donc formulé une hypothèse, selon laquelle, les cellules de la glie radiale expriment sélectivement une protéine qui favorise leur infection par le virus.
Plusieurs candidats ont été identifiés : DC-SIGN, TYRO3 et AXL. C'est le récepteur à tyrosine kinase AXL, normalement impliqué dans la mitose, qui a finalement été retenu. Le blocage de l'expression du gène codant pour AXL réduit en effet de 90 % l'infectivité des fibroblastes cultivés in vitro par les chercheurs. Par ailleurs, AXL était déjà connu pour favoriser l'entrée du virus Zika et de celui de la Dengue dans les cellules humaines de la peau. « Le récepteur AXL ne se contente pas de permettre l'entrée dans la cellule, complètent les auteurs, son activation augmente également l'infectiosité des cellules nerveuses. »
L'analyse de l'ARN transcrit par de nombreux types cellulaires humains a révélé que ces récepteurs semblent fortement exprimés par les cellules gliales radiaires et les microgliocytes. Une recherche basée sur des immunoglobuline anti-AXL a également permis de retrouver des récepteurs AXL dans les capillaires cérébraux. Les auteurs précisent que si AXL est largement exprimé au cours de la neurogenèse dans les cellules gliales, les astrocytes et les capillaires, ils ne sont plus exprimés dans les neurones matures qui ne se divisent plus.
Des anomalies oculaires sévères
Ils ajoutent en outre qu'on retrouve aussi de tels récepteurs au niveau des cellules progénitrices de la rétine, ce qui est cohérent avec les observations publiées le 9 février dernier dans le « JAMA ophtalmology » par le Dr Paula Freitas de l'hôpital Geral Roberto, à Salvador (Brésil). Les médecins brésiliens avaient en effet noté que 10 nouveaux nés atteints de microcéphalies liées à l'infection par le virus Zika souffraient d'anomalies oculaires sévères.
« De tels récepteurs sont présents chez les humains et les rongeurs, et notamment les furets », concluent enfin les auteurs, qui estiment ainsi que les modèles animaux ne manqueront pas pour la recherche d'un ligant pouvant se fixer sur les récepteurs AXL et empêcher le virus Zika de provoquer des dommages irréversibles dans les cerveaux en développement.
Tomasz Nowakowski et al, Expression Analysis Highlights AXL as a Candidate Zika Virus Entry Receptor in Human Neural Stem Cells, Cell Stem Cell du 30 mars 2016.
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