LE QUOTIDIEN : Dans le domaine de l’imagerie cardiaque non invasive, quels sont les examens qui ont le plus progressé techniquement ces dernières années ?
Pr OLIVIER VIGNAUX : Il s’agit indiscutablement du scanner et de l’IRM, qui ont beaucoup progressé depuis les années 1990, lorsque les constructeurs ont pris conscience de l’importance du marché. Ces deux techniques constituent aujourd’hui des examens de routine, fiables, reproductibles, et de qualité constante, qui ont trouvé leur place dans l’exploration des différentes pathologies cardiaques.
Le scanner, qui permet les études anatomiques, se posait initialement en concurrent de la coronarographie. Celle-ci reste aujourd’hui encore l’examen de référence. Mais le scanner s’est imposé comme "gate-keeper", très utilisé face à des douleurs thoraciques atypiques pour éviter des coronarographies inutiles. Il faut savoir qu’aujourd’hui, sur l’ensemble des coronarographies réalisées, 30% sont normales.
Quant à l’IRM, qui permet de visualiser le muscle cardiaque, elle a accédé, elle, au statut d’examen de référence pour quantifier l’étendue de la nécrose après un infarctus du myocarde. Dans le cadre de la maladie ischémique chronique, elle se révèle indispensable pour évaluer les conséquences d’une occlusion coronaire, et décider d’une angioplastie ou d’un pontage à bon escient. Elle permet, enfin, de dépister de petits infarctus passés inaperçus, notamment chez le diabétique
Quels sont les progrès encore attendus ?
L’épreuve d’effort manque de sensibilité et la scintigraphie peut passer à côté de lésions tritronculaires. Encore une fois, c’est donc du côté du scanner et de l’IRM que l’on peut attendre des progrès. L’application la plus pertinente du scanner en cardiologie est le bilan des patients symptomatiques à risque intermédiaire (deux facteurs de risque). Selon les recommandations de 2009 publiées conjointement par les sociétés françaises de radiologie et de cardiologie, l’épreuve d’effort reste l’examen de première intention dans cette population, le scanner n’étant indiqué que si l’épreuve d’effort se révèle impossible ou si son résultat est litigieux. Mais il ne faut pas perdre de vue que la moitié des infarctus du myocarde surviennent chez des patients n’ayant pas présenté de douleurs thoraciques auparavant. La surveillance des patients à risque est donc extrêmement importante. Et il est tout à fait concevable que le scanner devienne l’examen de première intention, qui permettrait d’indiquer une statine, une angioplastie, ...
La tendance qui facilitera cette mutation est naturellement la diminution de l’irradiation liée au scanner. Les radiologues ont maintenant obligation d’afficher la dose délivrée sur l’écran de contrôle, et de la mentionner dans le dossier médical du patient Quant aux constructeurs, ils ont beaucoup travaillé sur cette question depuis deux ans. Le renouvellement du parc français au profit de machines peu irradiantes prendra un certain temps – et d’autant plus que ce renouvellement dépend de la carte sanitaire. Mais du point de vue technique, on peut considérer la question de l’irradiation comme en grande partie résolue à court ou moyen terme.
Et en ce qui concerne l’IRM ?
Pour le moment, le scanner est l’examen qui se développe le plus en imagerie cardiaque, et cette tendance va certainement persister dans les cinq ans à venir. A plus long terme, cependant, c’est probablement l’IRM qui a le plus fort potentiel. Au delà de l’évaluation du retentissement myocardique d’une sténose ou d’une occlusion coronaire, l’enjeu est en fait de réussir à visualiser dans le même temps les artères coronaires en IRM. L’examen, non irradiant et sans injection d’iode pourrait alors s’imposer sur le scanner.
L’IRM apportant des informations complémentaires à l’échographie dans un certain nombre d’indications (cardiopathies hypertrophiques, dilatées ou restrictives, pathologies valvulaires…) et se révèle indispensable dans de nombreuses pathologies dont le pronostic est lié à l’atteinte cardiaque (vascularites, myopathies), on voit qu’il s’agit d’un examen d’avenir, même en dehors de la maladie coronaire.
En pratique, malheureusement, les besoins sont loin d’être satisfaits, faute d’appareils en nombre suffisant.
Quel est l’état du parc d’appareils en France ?
L’utilisation du scanner et de l’IRM en imagerie cardiaque ne se développe pas aussi rapidement en France que dans les pays comparables. Pour situer le problème, le délai d’attente moyen pour passer une IRM, dépasse un mois. Quant aux scanners, ils sont eux aussi saturés. Il faut batailler pour obtenir des créneaux de scanner cardiaque, et les utilisations à fins de recherche reposent entièrement sur la débrouille.
Le frein à l’implantation d’appareils est évidemment le coût. Mais les calculs omettent généralement les économies induites. Pour prendre un exemple, on évoque fréquemment l’installation de scanners dédiés dans les services d’urgence, pour explorer les patients se présentant avec des douleurs throraciques aigües atypiques. En général, ces patients ont un ECG et un dosage de troponine, puis une coronarographie – laquelle est souvent normale –, le tout dans le cadre d’une hospitalisation de 48 heures en cardiologie. Quel est le surcoût correspondant à cette prise en charge pour les patients qu’un scanner immédiat normal aurait permis de renvoyer chez eux ? Pour l’IRM en cas de suspicion d’infarctus du myocarde ou d’AVC, le raisonnement est identique et l’examen systématique à l’admission permettrait en outre de traiter plus rapidement les cas avérés, avec une réduction du handicap en conséquence.
L’investissement dans un scanner et une IRM aux urgences serait très vite rentabilisé. Mais les pouvoirs publics raisonnent encore en terme de dépense immédiate. Il faut faire comprendre qu’en cardiologie, c’est par l’imagerie qu’on améliorera la prévention et la prise en charge des patients.
* D’après un entretien avec le Pr Olivier Vignaux, service de radiologie, hôpital Cochin, Paris.
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