« NOUS AVONS constaté qu’une incarcération antérieure prédit une hypertension et une hypertrophie ventriculaire gauche parmi les adultes jeunes… L’incarcération (…) fournit aussi une possibilité sous - utilisée d’intervention et d’amélioration de la santé, ainsi que d’accès aux soins. » C’est ainsi qu’Emily A. Wang (San Francisco) et coll. confirment l’existence d’un risque cardio-vasculaire largement méconnu : la prison.
Si la relation entre l’emprisonnement et HTA et/ou HVG (hypertrophie ventriculaire gauche) était évoquée dans des travaux antérieurs, le lien physiopathologique entre les deux était totalement inconnu. Seules quelques hypothèses étaient proposées. C’est cette carence d’explication qui a justifié le travail américain, de même que la confirmation du lien grâce à une étude prospective.
288 (7 %) avaient déjà été incarcérés.
Les auteurs sont donc partis d’une cohorte américaine, CARDIA (pour Coronary Artery Risk Development in Young Adults). Elle est constituée d’adultes jeunes de 18 à 30 ans à l’enrôlement entre 1985 et 1986. Ils sont équitablement répartis entre les deux sexes, les ethnies (Blancs et Noirs), les niveaux scolaires. Au départ, 5 115 individus ont été enrôlés, mais les données n’ont pu être établies que sur 4 350 d’entre eux. Parmi eux, 288 (7 %) avaient déjà été incarcérés. Tous ont été examinés très régulièrement à deux, cinq, sept, dix, quinze et vingt ans (soit de 1987-1988 à 2005-2006). Les bilans montrent une incidence plus élevée d’HTA chez les adultes jeunes ayant été déjà emprisonnés que chez ceux n’ayant jamais connu la prison (12 % contre 7 %, odd ratio 1,7). L’association persiste après ajustement en fonction du tabagisme, de la consommation d’alcool ou de drogue et des revenus familiaux. Le lien avec l’HTA était significatif dans les groupes à plus forte prévalence d’emprisonnement antérieur (les hommes noirs) et au niveau scolaire le plus bas.
L’HVG était également plus fréquente chez les ex-détenus (odd ratio 2,5). Ils déclaraient aussi être le moins bien suivi médicalement. En revanche en ce qui concerne l’hypercholestérolémie ou le diabète, la prison n’en changeait pas l’incidence.
Les mécanismes explicatifs demeurent hypothétiques. Des travaux antérieurs suggèrent le rôle de l’alcool, de la drogue, de l’obésité ou d’un niveau socio-économique bas. Mais selon l’étude de Wang et coll., ces hypothèses semblent insuffisantes, puisque le lien persiste, même après correction par ces facteurs. Les auteurs y voient aussi, chez ces anciens détenus, une hostilité ou un stress majorés dont le rôle a été déjà démontré dans l’hypertension et à terme l’athérosclérose. Le stress dû à l’emprisonnement peut favoriser l’élévation des catécholamines, favorisant l’HTA, ou une dysrégulation de ces hormones sur le long terme, créant une hypertension ultérieure. Ces données, sur HTA et HVG, confortent d’ailleurs un constat antérieur : un risque accru de décès d’origine cardio-vasculaire après la libération.
Deux faiblesses pourtant à cette étude : la durée de l’emprisonnement n’était pas connue des investigateurs (que ce soit quelques jours ou plusieurs années) et la consommation de drogues n’était jugée que sur les déclarations des participants. Le lien mis en évidence justifie donc une confirmation par de nouvelles études.
Arch Intern Med, vol 169 (n° 7), 13 avril 2009, pp. 687-693.
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