LA RELATION était soupçonnée, mais la preuve objective manquait. C’est chose faite grâce à un travail sino-américain. Aux âges moyens de la vie, un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité peut conduire à une hypertension artérielle. Mais, alors que les études antérieures étaient fondées sur des enquêtes déclaratives concernant le sommeil, celle de Kristen L. Knutson et coll. a pu les mesurer précisément. Ce qui en fait toute la valeur.
La particularité, donc, de cette étude est d’avoir mis à disposition des participants un actigraphe. Cette espèce de bracelet-montre est en réalité un appareil de monitoring enregistrant les périodes d’activité. Grâce à un accéléromètre omnidirectionnel hypersensible, il analyse les mouvements du poignet toutes les 30 secondes.
Âgés de 33 à 45 ans.
C’est dans le cadre de l’étude CARDIA (pour, en anglais : apparition d’un risque coronarien chez des adultes jeunes), qu’un sous-groupe de volontaires a été sélectionné. Il s’agissait de 578 hommes et femmes, Afro-américains ou Caucasiens, âgés de 33 à 45 ans, à l’enrôlement. Leur pression artérielle avait été mesurée en 2000 et 2001, puis en 2005 et 2006. Entre 2003 et 2005, à deux reprises (à un an d’écart) et sur des périodes de trois jours ils ont porté l’actigraphe. Les auteurs ont ainsi disposé des périodes de sommeil et des durées réelles de sommeil (le maintien).
Les corrélations, effectuées de façon croisée et longitudinale, montrent que des périodes réduites de sommeil ou de maintien prédisent des modifications significatives à la hausse des chiffres tensionnels systoliques et diastoliques. De même, elles suggèrent une élévation plus forte des systoliques et une moindre diminution des diastoliques, sur les cinq années de suivi. Ces données demeurent valides après ajustement en fonction de l’âge, de l’ethnie et du sexe. En revanche, la prise en compte de co-variables socio-économiques ou sanitaires affaiblit la puissance de la relation, sans toutefois lui faire perdre sa significativité. À la condition qu’elles coexistent et ne soient pas prises indépendamment.
Un constat d’importance est celui lié au sexe et à l’ethnie. Les auteurs remarquent des chiffres tensionnels plus élevés chez les hommes, tout particulièrement afro-américains. Il est connu que ces derniers dorment moins que les femmes caucasiennes. Ce qui pourrait laisser entendre l’existence d’un lien entre l’hypertension artérielle relevée plus souvent dans la population afro-américaine masculine et une carence de sommeil.
Les femmes déclarant ronfler.
En analyse secondaire, il apparaît aussi que les femmes déclarant ronfler ont un risque plus élevé d’hypertension que les ronfleurs. Il faudrait y voir la conséquence d’une plus grande prévalence d’apnées du sommeil dans la population des femmes ronfleuses que dans celle des hommes.
Les auteurs attribuent à leur travail plusieurs points forts : la mesure longitudinale de la pression artérielle, l’évaluation objective des périodes de sommeil, la qualité des enregistrements sur 6 jours. Mais ils admettent aussi quelques faiblesses : l’actigraphe, qui se fonde sur les mouvements est moins fiable qu’une polysomnographie ; les troubles du sommeil liés à des difficultés respiratoires ne sont pas documentés.
Reste un grand point d’interrogation : la physiopathologie. Pour l’instant seulement des études de laboratoires peuvent fournir une piste explicative. Une privation partielle de sommeil est associée à une augmentation du tonus nerveux sympathique responsable d’une HTA.
Ce travail ouvre donc plus une voie de recherche, qu’il n’apporte de réponses. Comme l’écrivent les auteurs : « Des études d’intervention sont nécessaires pour déterminer si l’optimisation de la durée et de la qualité du sommeil peut réduire le risque d’élévation des chiffres tensionnels ».
Arch Intern Med, vol 169 (n°11) 8 juin 2009, pp ; 1005-1061.
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