En s'appuyant sur le dosage lipidique, le dosage du PSA et le test sérologique pour la rubéole, l'Académie de pharmacie souhaite rappeler l'importance de la biologie médicale et de la nécessité d'un dialogue entre biologiste et médecin prescripteur, mais aussi entre biologiste et patient.
« La biologie médicale est indispensable au dépistage, au diagnostic et au suivi thérapeutique, mais est trop souvent méconnue des patients, commence Liliane Grangeot-Keros, biologiste médical et membre de l’Académie de pharmacie. Des problèmes persistent toutefois concernant la pertinence des examens biologiques et l'interprétation des résultats ».
Une prescription contextualisée
Le Pr Rémy Couderc, chef du service de biochimie de l'hôpital Trousseau et membre de la société française de biologie clinique, indique que l'interprétation des bilans lipidiques s'appuie sur « le niveau de risque du patient évalué selon les autres facteurs de risque et pas uniquement sur des valeurs absolues », conformément aux recommandations de la HAS de février 2017. Définies à partir d'une population en bonne santé, les valeurs de référence ne sont pas adaptées à toutes les situations et ne prennent pas en compte la variabilité biologique. « Il est plus pertinent de comparer les données du patient au cours du temps », souligne le Pr Couderc.
Il évoque aussi la nécessité pour les biologistes de fournir des résultats commentés. « Ce commentaire, prenant en compte la situation clinique du patient, est une valeur ajoutée, que seuls les biologistes sont capables de fournir », estime-t-il. Cela implique que la prescription doit être contextualisée avec un maximum d'informations sur le patient. « Le patient doit aussi être bien informé par le biologiste et le clinicien afin qu'il comprenne les objectifs et adhère à son traitement », note le Pr Couderc.
Des divergences obsolètes
Le Pr François Richard, urologue, chirurgien des hôpitaux de Paris et membre des Académies nationales de médecine et de chirurgie, est revenu sur « le message brouillé » qui entoure le dosage du PSA et qui conduit à des surprescriptions et des surdiagnostics. En 2015, 33 % des plus de 85 ans ont en effet eu un dosage du PSA. Pour le Pr Richard, « sauf cas particuliers, le dosage du PSA ne doit pas être réalisé après 75 ans ou bien en cas d'espérance de vie inférieure à 10 ans lorsque l'examen clinique est normal ».
Par ailleurs, des progrès techniques ont également changé la donne. Le nombre d'IRM a augmenté et, surtout, permet de distinguer les formes évolutives des formes non évolutives, et les biopsies de la prostate sont désormais guidées par l'imagerie avec une technologie mise au point par la société française Koélis combinant IRM et échographie. « Au regard des connaissances actuelles et de ces nouveaux outils dont nous disposons, les divergences sur le diagnostic précoce du cancer prostatique sont obsolètes, car nous avons maintenant plusieurs possibilités de prises en charge adaptées aux souhaits des patients », estime le Pr Richard. Il ajoute : « le dosage du PSA ne suffit pas à lui seul à diagnostiquer un cancer de la prostate, mais il a un rôle d'alerte et doit être interprété en fonction du profil du patient ».
Des recommandations non suivies
Liliane Grangeot-Keros, également expert auprès de l'OMS chargée de la rubéole, a pris l'exemple de cette maladie pour montrer les conséquences potentielles d'un manque de prise en compte de la variabilité d'un examen biologique. Si la rubéole a quasiment disparu en France, des cas sporadiques sont encore rapportés. Elle a d'ailleurs rejoint récemment la liste des maladies à déclaration obligatoire.
En France, 40 000 femmes en âge de procréer ne sont pas protégées contre cette maladie. Depuis 2009, la HAS recommande la recherche des immunoglobulines G (IgG) anti-rubéole chez les femmes enceintes au début de la grossesse, mais aussi à 20 semaines d'aménorrhées en cas de premier test négatif pour dépister une éventuelle infection au cours du premier trimestre de la grossesse. « Or nombre de médecins et de biologistes ne connaissent pas ces recommandations, ce qui peut conduire à des situations catastrophiques », déplore Liliane Grangeot-Keros. Ajouté à cela, l'utilisation des unités internationales pour les sérologies considérée à tort comme un gage d'homogénéisation des résultats. Tout ceci crée de la confusion en termes d'interprétation et peut conduire à des examens inutiles, voire à des interruptions de grossesse injustifiées. « Face à un cas particulier, les biologistes et les médecins doivent faire appel aux centres de référence », rappelle Liliane Grangeot-Keros.
Avec cet exemple, l'Académie de pharmacie souhaite « insister sur la nécessité absolue de n'interpréter les résultats de sérologies itératives que lorsque celles-ci ont été effectuées dans le même laboratoire avec la même technique ».
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