Tout comme il existe un microbiote intestinal, il existe un microbiote cutané. « Une hyperséborrhée associée à des anomalies des kératinocytes au niveau du follicule pilosébacé, comme cela se voit dans l’acné, peut induire un déséquilibre au niveau de cette flore. Dans ce cas, les ratios de composition entre les bactéries se modifient, et ce changement de profil de la flore aboutit à une activation de l’immunité innée de la peau et à un phénomène d’inflammation », explique la Pr Brigitte Dreno, chef du service de dermatocancérologie au CHU de Nantes.
De la flore à l’inflammation
Parmi les bactéries susceptibles de jouer un rôle dans ce déséquilibre, on trouve Propionibacterium acnes – rebaptisée Cutibacterium acnes. « Mais ce n’est pas la prolifération de cette bactérie dans le follicule pilosébacé qui va aboutir à l’activation de l’immunité innée, comme on l’a longtemps cru. C’est plutôt la répartition entre les différents phylotypes de Cutibacterium acnes, avec une prédominance du phylotype 1A1, qui est en cause. C’est bien la perte de la diversité de ses phylotypes qui modifie l’équilibre au niveau de la flore bactérienne et active l’immunité innée, insiste la Pr Dreno. Combattre Cutibacterium acnes par une prescription d’antibiotiques comme on le faisait autrefois n’a donc plus de sens. Les antibiotiques locaux n’ont plus guère leur place, et surtout pas en usage prolongé (jamais plus de trois semaines), pour éviter de créer justement une pression de sélection avec prolifération de bactéries antibiorésistantes. »
Peptides antimicrobiens
« Les bactéries, pour maintenir leur équilibre, dialoguent entre elles en sécrétant des peptides antimicrobiens ou en les faisant sécréter par les kératinocytes, poursuit la spécialiste. Aujourd’hui, la recherche s’intéresse donc de plus en plus à ces peptides, et cherche à les intégrer au traitement. Principal avantage : ils n’induisent pas de résistance, tout en permettant aux bactéries de se contrôler entre elles. Par exemple, Staphylococcus epidermidis sécrète des peptides antimicrobiens qui empêchent le développement et la prolifération de Cutibacterium acnes. En culture, il va même l’inhiber ! Puisque des bactéries sécrètent des molécules qui empêchent les autres bactéries de devenir prédominantes, cela participe à l’équilibre de la flore cutanée et au maintien au repos de l’immunité innée. »
Bien que ce nouveau concept reste encore du domaine de la recherche, l’introduction de peptides antimicrobiens commence à se faire, notamment dans le domaine de la cosmétologie (Effaclar Duo +, Keracnyl PP, Sébium global). L’idée est bien d’arriver à réguler la flore cutanée et à la maintenir au repos pour empêcher que l’immunité innée ne se réveille.
En revanche, il n’y a pas encore de peptides antimicrobiens à disposition comme médicament. En attendant leur arrivée sur le marché, la prise en charge de l’acné repose donc sur les mêmes principes.
exergue : Ce n'est pas la prolifération mais la diversité bactérienne qui est en cause
Interview de la Pr Brigitte Dreno, chef du service de dermatocancérologie au CHU de Nantes
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