L’anaphylaxie est une réaction d’hypersensibilité immédiate de type I médiée par des immunoglobulines de type E (classification de Gell et Coombs). L’organisme se sensibilise à un allergène (médicament, aliment, latex, venin) lors d’un premier contact et fabrique des anticorps. Une nouvelle exposition à l’allergène entraîne une réaction :
- en quelques minutes pour un médicament intraveineux (IV),
- 15 à 30 mn pour une piqûre d’hyménoptère, venin,
- 30 mn à 3 heures pour un allergène ingéré.
Le choc anaphylactique représente la forme la plus grave de l’anaphylaxie.
Les questions à se poser ?
• Existe-t-il des signes évocateurs d’anaphylaxie ?
− mineurs :
-- cutanéo-muqueux : prurit, urticaire, érythème, voix rauque. NB : Plus le choc est grave, moins il y a de signes cutanés (redistribution centrale en cas de collapsus),
-- neurologiques : paresthésies, angoisse, céphalées,
-- digestifs : nausées, douleurs abdominales,
− ou majeurs :
-- cardiovasculaires : pouls petit filant, pression artérielle basse, tachycardie (ou bradycardie en cas de choc), troubles du rythme, collapsus, choc, arrêt cardiaque,
-- respiratoires : toux, dyspnée, œdème de Quincke, bronchospasme, cyanose, asphyxie…
• Quel est l’état général du patient ? Conscience, évaluation cardiovasculaire et respiratoire.
• Le patient et/ou son entourage sont-ils interrogeables ? Préciser la chronologie d’apparition des signes. Rechercher la mise en contact avec un allergène : aliment (arachide, lait, œuf, fruits exotiques), médicament (anesthésique, produit de contraste iodé, AINS, antalgique, antibiotique), venin ou piqûre d’hyménoptère, latex. Une allergie est-elle connue ? ATCD d’anaphylaxie ?
Ce qu'il faut faire ?
• Pendant l’épisode
1. Faire appeler le SAMU (le 15 ou 112)
2. Supprimer le cas échéant l’allergène
3. Évaluer la gravité de la réaction. La classification de Ring et Messner différencie 4 grades cliniques, de gravité croissante et guide le traitement :
o Grade 1 : Signes cutanéo-muqueux généralisés
o Grade 2 : Atteinte multi-viscérale modérée : signes cutanéo-muqueux associés à une hypotension artérielle, tachycardie, toux, dyspnée
o Grade 3 : Atteinte multi-viscérale sévère : collapsus, tachycardie ou bradycardie ± troubles du rythme cardiaque ± bronchospasme ± signes digestifs (diarrhée, vomissements)
o Grade 4 : Arrêt circulatoire et/ou respiratoire
4. Positionner le patient :
o Si hypotension : décubitus dorsal et lever de jambes (les maintenir dans cette position jusqu’à la fin de l’épisode pour ne pas risquer de désamorcer la pompe cardiaque) o si difficultés à respirer : assis
o si femme enceinte : décubitus latéral gauche
o si inconscient : position latérale de sécurité
5. Poser une voie veineuse, si possible avec remplissage par cristalloïdes
6. Oxygène, si disponible
7. Prendre : pouls carotidien, pression artérielle
8. Traiter le patient
-- Grade 1 : anti-H1. Si œdème, corticoïdes per os ou IV
À partir du grade 2 : Le traitement spécifique est l’injection d’adrénaline en IV et en bolus, à répéter toutes les 2mn pour restaurer une pression artérielle !
-- Grade 2 : 10 à 20μg/bolus
-- Grade 3 : 50 à 200μg/bolus (on multiplie 5 à 10 fois les doses du grade 2, selon l’effet clinique)
-- Grade 4 : 1 mg/bolus (adulte)
o réanimation de l’arrêt cardio respiratoire : massage cardiaque externe (100 massages/minute pendant 5 minutes sans ventiler, puis règle des 30/2 : alterner 30 massages pour 2 ventilations)
o défibrillation si besoin (envoyer quelqu’un chercher un défibrillateur, suivre les instructions. Savoir où est le défibrillateur le plus proche et comment s’en servir ++).
Si la voie IV n’est pas disponible, ou en présence de collapsus :
o injection d’adrénaline en IM à répéter si besoin après 5 à 15 mn. Enfant < 15 kg : 1μg/kg ; Au-delà de 15 kg, un stylo injecteur peut être utilisé (Anapen®, Epipen®, Jext®) à appliquer fermement sur le quadriceps ou le deltoïde en maintenant la pression pendant 10 secondes : enfant de 15 à 30 kg (stylo à 0,15 mg), enfant et adulte > 30 kg (stylo à 0,30 mg), sujets de >75kg (2 stylos à 0,30mg).
o Trouver ensuite une voie veineuse !
NB : patient sous β-bloquant : augmenter la posologie de l’adrénaline. Si inefficacité, glucagon 0,5 à 1 mg IVD, à renouveler éventuellement toutes les 5 mn.
• Après l’épisode
1. Surveillance médicale : si grade 1, garder quelque temps le patient en salle d’attente, ne pas le laisser repartir seul et conduire après avoir absorbé un anti-H1. À partir du grade 2, surveillance hospitalière prolongée.
2. Prescrire une trousse d’urgence
3. Adresser en consultation d’allergologie 4 à 6 semaines après l’accident allergique : recherche de l’allergène responsable, recherche d’allergie croisée, éducation thérapeutique et d’éviction de l’allergène.
Ce qu'il faut retenir
• Choc anaphylactique = urgence
• À partir des chocs de grade 3, toute minute perdue augmente le risque de morbi-mortalité
• PDF à télécharger : « Prise en charge d’un choc anaphylactique – SFAR 2010 »
D’après des entretiens avec le Dr Jacques Dubost, anesthésiste-réanimateur et allergo-anesthésiste (CHU de Lyon) et le Pr Jean-Marc Malinovsky, anesthésiste-réanimateur (CHU de Reims).
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