Oui, pendant 32 ans, j'ai été képi rouge en bords de route et je n'ai eu qu'à m'en féliciter. Après Chaptal, Nainville-les-Roches, Masséna, Rennes, Angoulême, Mulhouse, j'y ai trouvé plus que des amis, une grande famille…
Nous étions tous des vases communicants, assoiffés de savoir et d'expérience pour faire face à toutes les urgences. Nous nous tenions toujours prêts à rendre service dans toutes les interventions avec un esprit de dévouement total. Même dans les moments plus difficiles ou désespérés, nous étions des Généralistes Urgentistes (dix ans avant l'apparition du SAMU). […]
Avec nos Sapeurs-Pompiers, nous avons vécu ensemble le grand virage de la formation au secourisme avec une immense bonne volonté et une soif d'apprendre à maîtriser des situations toutes nouvelles pour eux. Nous avons appris ensemble « les gestes qui sauvent » ... De cela a découlé une confiance totale entre les uns et les autres, tous unis par cette volonté d'apprendre toujours plus, pour soigner toujours mieux et maîtriser de mieux en mieux tous les inattendus…
Notre approche, lors des accidents, était très rapide et efficace: Je prenais contact avec les gendarmes: « Bonjour Messieurs, assurez surtout notre sécurité, nous prenons les blessés en charge ». De suite, c'était la prévention incendie, les fumeurs écartés, la stabilisation éventuelle des véhicules. Et, tout de suite, le premier abord et, si possible, le dialogue, avec les occupants pour évaluer leur état et établir un premier bilan d'urgence d’où découlait la façon d'opérer en accord avec nos sapeurs-pompiers qui préparaient immédiatement tout pour le dégagement. Sitôt fait, le blessé plus abordable et bien immobilisé, le bilan était complété, la réanimation démarrée et nous prenions contact avec le régulateur du Samu pour préparer une éventuelle convergence (ou leur éviter une sortie blanche à longue distance).
Passionné par un métier où il fallait tout maîtriser
Et je peux vous dire que moi, képi rouge, passionné par un métier dont il fallait tout maîtriser, être tout particulièrement vigilant et exigeant, je n'ai eu qu'à me louer de travailler avec tous nos volontaires à l'amélioration continuelle du sauvetage et de l'assistance aux victimes de tous ces accidents. Nous avions entre nous une énorme confiance mutuelle qui n'a jamais failli pendant toutes ces années passées ensemble à nous perfectionner sans cesse chacun dans sa spécialité et à nous précipiter à l'appel de la sirène.
Et les patients qui nous passaient dans les mains ont tous ressenti cet élan, ce dévouement que nous manifestions sans cesse à leur égard. L'un d'eux m'a dit un jour, le surlendemain de son accident : « le SP qui était avec moi dans votre ambulance, Il avait les mains noires, mais Dieu qu'il avait bon cœur et Il ne savait que faire pour me soulager et m'aider dans ces moments difficiles qui suivent toujours un accident ». Je lui ai répondu: « Oui, c'est vrai, c'est l'un de nos plus dévoués et de nos meilleurs sauveteurs ». Après chaque intervention sur un accident, nous retournions éventuellement voir la voiture endommagée pour réfléchir à la façon dont nous étions intervenus et si nous n'aurions pas pu améliorer le sauvetage.
Une remise en cause permanente
Tous étaient enthousiastes à participer au débriefing et chacun pouvait donner spontanément son avis. Nous en tirions les plus judicieuses conclusions. Quel amour du travail bien fait que cette remise en cause permanente. Un vrai bonheur pour un képi rouge de travailler avec des hommes de si grande bonne volonté... Mieux que les hôpitaux toujours très stricts et Impénétrables, le bord de route était un livre ouvert en permanence… Quand je les entendais partir au feu, s'il était important, je courais en observateur objectif pour surveiller et, éventuellement, modérer leur ardeur en les retenant par le bas de leur veste. Il me revient le souvenir d'une étable très enfumée par le grenier à foin qui brûlait au dessus. Un pompier muni d'un ARI cherchait « une commande» pour aller sauver deux veaux qui manquaient à l'appel... Je lui ai dit: « Reste là, deux veaux bien cuits avec une persillade, c'est un régal, mais un bonhomme bien cuit, qu'en faire, je ne vais pas le porter à ta femme ! ».
Quand atteint moi-même par la limite d'âge, après en avoir malheureusement perdu quelques-uns de cette sournoise maladie qui nous guette tous en vieillissant, j’ai ressenti un grand vide mais aussi une très grande satisfaction en songeant à l'excellent travail que nous avions fait tous ensemble tout au long de ces années pour le plus grand bien de nos contemporains.
À cette époque nous étions 80 médecins SP en Sarthe, tous expérimentés par nos urgences quotidiennes et tous guidés par le même total dévouement… Vous formiez un remarquable maillage du territoire par des professionnels percutants sur lesquels on pouvait compter lors des accidents, comme lors des manifestations sportives qui se déroulaient tous les ans au Mans. Vous avez amplement mérité la respectueuse reconnaissance de nos patients comme de nos gouvernants. À tous nos anciens, à mes confrères du Corps de santé, à tous, vieux et jeunes Sapeurs-pompiers de France, c'est plein d'une très grande reconnaissance et d'une très vive émotion que je vous dis, moi, votre vieux képi rouge : « Les meilleurs moments de mon existence, c'est avec vous tous que je les ai passés ! ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature