« Le flécaïnide promet d'être extrêmement efficace dans un groupe particulier de patients ayant un rare syndrome arythmique génétique, la tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique (TVPC), qui affecte environ 6000 patients en Europe », déclare au Quotidien le Dr Bjorn Knollmann de l'Université Vanderbilt à Nashville (Etats-Unis), qui a dirigé ce travail.
La TVPC est un syndrome arythmique héréditaire, caracterisé par un ECG de base normal et une tachycardie ventriculaire polymorphe déclenchée par l'exercice ou l'émotion (stress adrénergique) en l'absence d'anomalie cardiaque structurelle. C'est une cause importante de syncope et de mort subite induites par l’effort et l’émotion chez l’enfant et qui pourrait expliquer certaines morts subite chez les jeunes athlètes.
Défibrillateur implantable pour éviter la mort subite.
Le traitement fait appel aux bêtabloquants et aux antagonistes calciques pour contrôler l'arythmie, mais il est souvent inefficace ; un défibrillateur cardiaque implantable est posé pour prévenir la mort subite, mais les chocs fréquents sont stressants et le décès peut néanmoins survenir malgré un choc approprié.
On sait que des mutations dans deux gènes, RYR2, codant pour le récepteur à la ryanodine (le plus fréquent), et CASQ2, codant pour la calséquestrine, causent la TVPC.
En 2006, l'équipe de Knollmann avait découvert que ces mutations déstabilisent le complexe RYR2 de libération du Ca2+ , sur la membrane du réticulum sarcoplasmique, et permettent la fuite du calcium de leurs compartiments de stockage à l'intérieur des cellules cardiaques.
L'équipe a développé un modèle murin de la TVPC en éliminant le gène de la calséquestrine. « Les mutations de la calséquestrine tendent à provoquer des manifestations cliniques plus sévères, ce qui explique pourquoi nous avons choisi ce modèle murin. »
Dans la nouvelle étude, publiée dans « Nature Medicine », l'équipe a découvert que le flécaïnide, un antiarythmique connu, utilisé pour traiter la fibrillation auriculaire, prévient complètement les arythmies ventriculaires dans le modèle murin de TVPC.
Dans des cellules cardiaques isolées, il apparaît que le flécaïnide bloque le récepteur ryanodine et inhibe la fuite de Ca2+, l'anomalie moléculaire sous-jacente de la TVPC. « Nous savions donc que ce médicament ciblait spécifiquement le mécanisme de la maladie dans la TVPC », note le Dr Knollmann.
Retour à une vie normale.
Les chercheurs ont alors collaboré avec le Dr Arthur Wilde de l'Université d'Amsterdam pour évaluer le flécaïnide chez deux patients ayant une TVPC résistante aux antiarythmiques, un garçon de 12 ans porteur d'une mutation du gène de la calséquestrine et une femme de 36 ans portant une mutation du récepteur à la ryanodine.
Le flécaïnide a complètement prévenu la TVPC chez les deux patients, qui prennent maintenant ce médicament depuis plus de six mois et vivent une vie normale.
Comme l’indique au « Quotidien » le Dr Knollmann, « le flécaïnide a totalement changé la vie du garçon de 12 ans, dont le frère plus jeune était décédé de la TVPC. Ce garçon de 12 ans continuait d'avoir des arythmies ventriculaires déclenchées par n'importe quelle forme d'exercice malgré le traitement et recevait de nombreux chocs du DCI, à tel point qu'il était confiné au lit depuis trois ans. Le flécaïnide a prévenu les arythmies et les chocs et reste efficace après 8 mois chez ce garçon qui joue maintenant au foot ».
« Notre prochain objectif est d'évaluer le flécaïnide dans un groupe plus large de patients atteints de TVPC réfractaire au traitement standard. Nous avons déjà débuté une étude clinique dans plusieurs centres en Europe, aux États-Unis, et au Japon, et nous collaborons entre autre avec le Pr Antoine Leenhardt (Lariboisière) et le Dr Stéphane Hatem (Pitié-Salpêtrière) a Paris. »
Nature Medicine, Watanabe et coll., DOI: 10.1038/nm.1942
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