Donald Trump est le produit d'un malaise général que l'on retrouve dans toutes les démocraties occidentales, mais dont l'intensité a été sous-estimée. Force est de reconnaître aujourd'hui que les facteurs qui ont entraîné son élection étaient assez puissants pour que le peuple américain, soudain saisi par une forme de débauche, se soit livré à un homme qui n'a jamais caché son mépris pour la vertu et son aversion pour la morale. Il est encore très difficile de dire aujourd'hui en quoi consiste son programme, s'il y a une adéquation entre ses propres idées et celles des conseillers qu'il a choisis mais qui tiennent parfois un discours différent du sien, s'il tiendra les multiples promesses qu'il a faites ou si, au contraire, il adaptera son action au gré des événements.
On ne peut pas dire en tout cas que l'entrée tonitruante de M. Trump à la Maison Blanche se déroule dans l'ordre et la clarté. L'ancien animateur de télévision s'y entend pour le recours aux paillettes et aux effets d'éclairage et son comportement personnel, s'il n'est pas vraiment présidentiel, apporte sur la scène de Washington un changement pittoresque. M. Trump, quoi qu'il en soit, a déjà remporté un succès : il lui a suffi de froncer les sourcils pour obtenir de l'industrie automobile américaine qu'elle se relocalise aux Etats-Unis, qu'Amazon annonce la création de 100 000 emplois sur le territoire américain et que les industriels du monde entier, y compris Renault et Bernard Arnault, lui promettent d'investir en Amérique. Du coup, M. Trump, qui a tendance à simplifier les problèmes, est fondé à dire qu'il lui suffit de paraître pour que tout change.
Le problème, c'est qu'il donne son aval à tout ce qui nous chagrine. Nous voyons dans le Brexit une catastrophe pour les Britanniques et les Européens, il félicite la Première ministre Theresa May et annonce, sans doute un peu vite, la sécession d'autres pays de l'Union européenne ; il ne trouve que charme et grâce chez Vladimir Poutine avec lequel il est décidé à s'entendre quoi qu'il en coûte et bien que son secrétaire d'Etat (pas encore en fonctions), Rex Tillerson, estime que la Russie reste une menace ; il pense que l'OTAN est une institution obsolète quand son prochain secrétaire d'Etat à la Défense la juge plus utile que jamais. Il s'en prend à Angela Merkel et à l'immigration en Allemagne. Il démantèlera le nouveau système d'assurance-maladie, mais il ne dit ni quand ni comment.
Le risque d'une confrontation avec la Chine.
Logiquement, c'est le président qui commande et les membres de son cabinet sont censés lui obéir à la lettre. Cependant, dans les prises de position de M. Trump, il faut distinguer ce qu'il veut faire absolument de ce qu'il pense profondément, mais sans connaître les tenants et les aboutissants du dossier. Ses ministres lui expliqueront peut-être que M. Poutine n'est pas vraiment son ami et tente d'affaiblir l'Amérique, que l'OTAN reste un bon instrument pour assurer le rayonnement et la sécurité de son pays dans plusieurs parties du monde, que les Etats-Unis ont des responsabilités en Europe et en Asie. Rien n'empêchera Trump (et surtout pas les traités en bonne et due forme) de relocaliser massivement aux Etats-Unis les industries parties pour des horizons où le travail est moins coûteux. Personne ne l'empêchera de passer un accord avec Poutine. Mais s'il veut mettre la Chine au pas, le backlash sera très violent en termes financiers et même militaires.
Ce qui est sûr, c'est que les Européens, jusqu'à preuve du contraire, ne peuvent pas lui faire confiance. Ils doivent se rassembler pour contrer le choc du protectionnisme et d'une éventuelle désagrégation de l'OTAN. Ils doivent commencer à assurer leur propre défense. Ils doivent revenir à la prospérité s'ils veulent mettre en œuvre une diplomatie qui n'ait pas froid aux yeux. Il se peut que Trump change. Il se peut qu'il revienne à de meilleurs sentiments à l'égard de ses amis traditionnels. Mais il ne faut pas compter là-dessus. Les Européens doivent apprendre à vivre, au moins pendant quatre ans, sans le soutien américain.
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