10 % des patients du SAMU 69 ont été hypnotisés

Le SAMU de Lyon, pionnier de l’hypnose pour les enfants

Publié le 17/01/2019
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hypnose

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Crédit photo : Guillaume Bouvy

Après avoir fait ses preuves au bloc, l’hypnose se développe en situation d’urgence, au SAMU 69 des Hospices Civils de Lyon. Un pari qui a commencé par la formation de quelques infirmiers, en 2017. Depuis, sous l’égide du Pr Pierre-Yves Gueugniaud, directeur du SAMU 69 et chef de service du pôle urgences, le recours à l’hypnose intervient dès la prise en charge téléphonique par le Centre 15 et en particulier chez les enfants, du nourrisson à l'adolescent.

« L’hypnose commence dès le premier contact, précise le Pr Gueugniaud. Il s’agit d’une hypnose conversationnelle, aussi appelée communication positive. Cette phase préparatoire s’effectue par le biais d’une parole empathique. Elle permet de mettre le patient en confiance et conditionne la réussite de l’hypnose clinique. Cela présente aussi l’intérêt de se mettre à la hauteur du patient ».

Cette phase passe par l’emploi d’une voix douce. Elle nécessite d’éviter les discours négatifs. Ainsi, « le fait de dire au patient « ne vous inquiétez pas » induit l’inquiétude, mieux vaut dire « rassurez-vous » », illustre Raphaël Distante, infirmier au SAMU 69 par qui l’expérimentation a commencé, en 2017, près deux formations à l’Institut Français d’Hypnose et à l’Institut Milton Erickson de Lyon. « Il s’agit de défocaliser la situation par induction », indique-t-il, ce qui consiste à concentrer l’attention du patient, par exemple par le regard ou par la voix.  

L’hypnose accompagne alors la pose d’une perfusion, d'un catéther ou l'immobilisatoin d'une fracture et peut remplacer ou être combinée avec une anesthésie en cas d’intervention chirurgicale ou avec des antalgiques. L’hypnose ne fonctionne pas toujours : 10 % de la population y est réfractaire, 10 % hypersensible, le reste est potentiellement hypnotisable.

Communication bienveillante

Les patients restent au maximum une demi-heure entre les mains des soignants du SAMU. « Cela reste un service d’urgences, poursuit l’infirmier. Il faut donc être dans la rapidité, tout en ayant une communication bienveillante, afin que le patient se sente en sécurité. Cela fonctionne également avec des gens agressifs : en gardant son calme, l’escalade est évitée ». Comme pour toute hypnose, le but est d’opérer une suggestion de dissociation, c’est-à-dire d’inviter la personne dans un univers parallèle qui lui permettra de ne pas ressentir la douleur, avant un retour à la réalité visant à la reprise de conscience et des bienfaits de la séance.

Le Pr Gueugniaud voit dans l’hypnose un bénéfice aussi bien pour le patient que pour les équipes soignantes : « Cela fait réfléchir sur la façon de communiquer et d’échanger, y compris entre collègues et dans nos vies personnelles. Du point de vue de la prise en charge des patients, l’hypnose ne fait pas perdre de temps. Même si cela n’est pas toujours évident, il faut juste y adhérer pour que cela fonctionne. »

Une rêverie et des tablettes pour les enfants

L’une des nouveautés du SAMU de Lyon tient dans l’application de l’hypnose aux enfants. « C'est un soulagement efficace qui produit des effets positifs sur son entourage, à commencer par sa famille. Il n’y a rien de traumatisant, cela consiste avant tout à instaurer un rapport de confiance », explique l’infirmier. Pour les enfants, plusieurs mallettes de jeux différents selon les tranches d’âge viennent se mettre au service de l’hypnose. Elles comportent des bâtons et baguettes magiques, ainsi qu’une tablette numérique dotée de jeux interactifs. Le recours à la « baguette magique » facilite la disparition de la sensation de douleur initiée par le travail d’hypnose. « Nous sommes le premier SAMU en France à disposer de tablettes, les trois SMUR en sont équipés », s’enthousiasme Raphaël Distante.

« L’idéal serait que tout le personnel puisse suivre une formation en hypnose, mais le budget est insuffisant », regrette le directeur du SAMU 69. Reste également à dégager le temps nécessaire aux formations qui durent 17 jours. À ce jour, sur les 220 membres du personnel soignant du Centre 15, seule une vingtaine a été formée à l’hypnose. « Tout le monde est favorable et 90 % de ceux qui n’ont pas été formés souhaitent l’être », estime le directeur. Pour l’heure, environ 10 % des patients passant par le SAMU 69 ont été hypnotisés, le souhait étant de développer davantage cette méthode, y compris dans d’autres services qui ne l’emploient pas encore. 

Dans le même temps, les SAMU de Metz et de Lille ont initié une démarche similaire, le SAMU de Lyon dialoguant et interagissant régulièrement avec ces derniers. Le 8 février prochain se déroulera d’ailleurs le Congrès d’hypnose médicale à Metz, auquel participera une partie des équipes lyonnaises. 

Guillaume Bouvy

Source : Le Quotidien du médecin: 9716