Avec l’arrivée d’une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine 2 et de la néprilysine (IRAN), la confirmation de l’intérêt de la correction de la carence martiale et les dernières études sur la stimulation multisite, une révision des recommandations du traitement de l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection altérée (ICFEA) s’imposait (*). Elles peuvent être résumées en 10 points et un schéma :
1) en première intention, rester fidèle aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), en réservant les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2) en cas d’intolérance à ces derniers, et aux bêtabloquants qui peuvent être commencés simultanément (classe I, niveau A), en les augmentant jusqu’à la dose maximale tolérée la plus proche possible des doses cibles validées ;
2) utiliser les diurétiques pour contrôler les symptômes et les signes congestifs et en diminuer la posologie si le patient s’améliore (classe I, niveau B) ;
3) en deuxième intention, si le patient demeure symptomatique et la FE ≤ 35 %, introduire un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) à condition que la fonction rénale l’autorise, le débit de filtration glomérulaire estimé (DFG) devant être ≥ 330 mlmin/m² (classe I, niveau A) ;
undefined4) en troisième intention, si le patient demeure symptomatique et la FE ≤ 35 %, trois possibilités, qui peuvent être combinées et ne s’excluent donc pas, sont à proposer en fonction des situations cliniques :
• Si le patient tolère une pleine dose d’IEC (équivalente à 10 mg x 2 d’énalapril) ou d’ARA2, il faut substituer ce premier bloqueur du système rénine-angiotensine par un IRAN, associant un ARA2, le valsartan, et un inhibiteur de la néprilysine, le sacubitril (classe I, niveau B) ;
• Si le patient est en rythme sinusal et la durée du QRS est ≥ 130 ms, les possibilités de mise en place d’un stimulateur multisite (CRT) doivent être appréciées en tenant compte de la morphologie du QRS et de sa durée, les meilleures indications concernant les patients avec un BBG (classe I, niveau A si QRS ≥ 150 ms ; classe I, niveau B si QRS entre 130 et 149 ms), alors que le CRT est contre-indiqué si la durée du QRS est < 130 ms (classe III, niveau A) ;
• Si le patient est en rythme sinusal et la fréquence cardiaque ≥ 70 bpm (75 en France) malgré une dose maximale tolérée de bêtabloquant, l’ivabradine peut être utilisée (classe IIa, niveau B).
5) Un défibrillateur automatique implantable (DAI) est indiqué en prévention primaire chez les patients en stade II à III de la NYHA si la FE reste ≤ 35 % malgré un traitement optimal instauré depuis au moins trois mois ou en prévention secondaire après une arythmie ventriculaire symptomatique (TV, FV), seul ou associé à une CRT (classe I, niveau A).
6) Ne pas rajouter à l’association IEC et ARM un ARA2 ou un inhibiteur de la rénine en raison du risque d’hyperkaliémie et/ou d’insuffisance rénale (classe III, niveau C), les ARA2 pouvant éventuellement être associés aux IEC chez les patients ne tolérant pas les ARM (classe IIb, niveau C) ;
7) Rechercher une carence martiale et la traiter par voie intraveineuse en utilisant le fer carboxymaltose (classe IIa, niveau A) ;
8) En cas de persistance de symptômes malgré les mesures thérapeutiques ci-dessus, peuvent être alors envisagées en fonction de l’âge du patient et des circonstances cliniques :
• Une optimisation du traitement médical par l’adjonction de digoxine ou d’une association dinitrate d’isosorbide-hydralazine (médicament non disponible en France) (classe IIb, niveau B) ;
• Une assistance circulatoire mono-ventriculaire gauche, soit en pont vers la transplantation (classe IIa, niveau C), soit en traitement définitif en cas de contre-indication à la greffe (classe IIa, niveau B) ;
9) En cas d’apnée du sommeil centrale prédominante, ne pas traiter par ventilation servo-assistée (classe III, niveau B) ;
10) Établir un plan de soin personnalisé pour chaque patient avec une approche multidisciplinaire, comportant une éducation thérapeutique (classe I, niveau A) et si possible une activité physique d’endurance (classe I, niveau A).
Ainsi, entre révolution et évolution, les experts ont opté pour cette deuxième solution avec une évolution progressive des pratiques, en insistant sur l’individualisation des décisions thérapeutiques et non un suivi aveugle de ces recommandations.
(1) Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil, Toulouse
(2) INSERM UMR 1048. Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC). Université Paul Sabatier. Equipe 7 « Obésité et insuffisance cardiaque : approches moléculaires et cliniques », Toulouse
(3) Université Paul Sabatier-Toulouse III. Faculté de médecine, Toulouse
(*) 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J 2016. doi : 10,1093/eurheartj/ehw128
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature