Les anti-CD20 vont-ils modifier le cours de l’histoire ?

Publié le 22/06/2017
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Une étude portant sur un anti-CD20 ne s’est intéressée qu’aux formes progressives primaires (PP) de la maladie. Les patients sélectionnés sont plutôt jeunes, et la sclérose en plaques (SEP) d’une courte durée d’évolution. Il a fallu inclure 732 patients pour montrer qu’après 120 semaines de suivi, l’ocrelizumab (OCR) diminuait le risque relatif de progression de la maladie de 24 % par rapport au placebo, alors que la différence des risques absolus n’est que de 6 %. Cette dernière est obtenue dans les 6 premiers mois (ce qui est hautement évocateur d’un effet ciblant l’immunité) et reste constante par la suite tout au long de l’étude.

Une efficacité sur l’inflammation

L’analyse des caractéristiques des patients inclus dans l’étude indique que, par rapport aux études antérieures, ceux-ci sont plus jeunes, avec une durée de la maladie plus courte et un niveau de handicap plus faible. De plus 24 % des patients du groupe placebo et 27 % du bras OCR avaient au moins une lésion active sur l’IRM initiale. Il est donc hautement probable que le résultat positif de l’étude soit en grande partie lié à l’efficacité de l’OCR sur l’inflammation.

Mais alors l’étude est-elle intéressante pour autant ? Faudra-t-il traiter tous les patients atteints d’une forme progressive avec l’OCR ? Le critère d’évaluation principal, retarder la progression, est-il pertinent ? Le traitement de la dysrégulation immunitaire est-il suffisant dans les formes progressives de la SEP et permettra-il de changer l’histoire naturelle de la maladie ?

L’étude est certainement intéressante puisque pour la première fois, une thérapeutique montre une efficacité significative par rapport au placebo dans cette forme de la maladie. Elle n’a porté que sur les formes PP de la SEP, alors qu’il est de plus en plus recommandé de ne pas séparer les deux phénotypes progressifs de la maladie. Traiter des patients plus âgés que ceux inclus dans l’étude par des anti-CD20 (qui diminuent l’immunité), et sur des durées longues et non déterminées exposerait à des effets secondaires certains dans cette population à risque de facteurs de comorbidité.

Vers une régression de la maladie

Retarder la progression de la maladie est déjà un bon résultat. Il reste toutefois insuffisant puisqu’il faudrait accepter que 20 à 30 % des patients continuent de progresser sur 2 à 3 ans. Pour modifier l’histoire naturelle, un meilleur objectif d’évaluation consiste à améliorer les patients, c’est-à-dire à inverser la courbe de progression de la maladie. Ce paramètre a été utilisé dans une étude récente ayant pour cible non pas l’immunité mais le métabolisme neuronal et oligodendrocytaire. En effet, l’étude MS-SPI (2) a montré que le MD1003 (fortes doses de biotine) permettait d’améliorer un pourcentage significatif de patients atteints aussi bien de formes primaires que secondaires progressives non actives de la maladie. L’effet est maintenu sur plus de deux ans et le traitement est bien toléré.

Il est donc probable que l’efficacité des anti-CD20 reste prédominante sur l’activité inflammatoire de la SEP. D’autres concepts sont nécessaires pour inverser la progression de la maladie. Il pourrait d’ailleurs s’avérer utile et plus efficace d’associer différentes thérapeutiques ciblant des mécanismes différents pour changer l’histoire naturelle de la SEP.

Faculté de médecine de Reims, URCA et service de neurologie, CHU de Reims Laboratoire de psychopathologie et de neuropathologie, EA2027, université Paris 8  
(1) Montalban X et al. Ocrelizumab versus Placebo in Primary Progressive Multiple Sclerosis. N Engl J Med. 2017 Jan 19;376(3):209-20. doi: 10.1056/NEJMoa1606468. Epub 2016 Dec 21. PMID: 28002688
(2) Tourbah A et al. MD1003 (high-dose biotin) for the treatment of progressive multiple sclerosis: A randomised, double-blind, placebo-controlled study. Mult Scler. 2016 Nov;22(13):1719-31

Pr Ayman Tourbah

Source : Bilan Spécialiste