Les arnaques à l'annuaire professionnel se multiplient

Publié le 01/04/2003
Article réservé aux abonnés

L'inscription forcée dans un annuaire professionnel est une arnaque classique ; la société AnnuairePRO n'est pas la seule à en avoir fait son fonds de commerce.
Dans son édition du 26 février, « le Quotidien » mettait en garde ses lecteurs contre les agissements douteux de cette société, basée en Slovaquie et virtuellement installée à Colmar (Haut-Rhin) depuis un an. Une instruction a été ouverte à son encontre au parquet de Colmar pour « publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ». Car l'offre n'est pas claire : le simple renvoi du courrier, même non signé, engage « le pigeon » à payer 1 010 euros. Du moins en théorie. En fait, il n'y a pas lieu de s'inquiéter en cas de courriers de relance, même avec menaces d'huissier, car rien n'autorise AnnuairePRO à recouvrer son argent, tient à rassurer Eric Claveau, qui dirige un collectif de défense contre ce genre d'escroquerie.
Crapuleux : c'est ainsi qu'il qualifie le stratagème mis au point par AnnuairePRO pour poursuivre ses victimes. « Un jour, les gens reçoivent une facture leur indiquant : vous avez signé la facture, vous vous êtes engagé, vous devez payer. Or aucun ne se rappelle avoir signé la facture. Ils contestent alors par un courrier signé et tamponné. » Là réside l'erreur. « Car peu après, ils reçoivent une relance avec une copie de la facture initiale comportant leur signature ! Laquelle est strictement identique à celle de leur courrier de contestation. » Cette coïncidence systématique fait dire à Eric Claveau qu'il y a contre-façon. Pour le démontrer, et ainsi, attaquer AnnuairePRO pour faux et usage de faux, cet écrivain tourangeau invite les victimes à mettre une signature bidon sur leur courrier de contestation.
Autre conseil : « Surtout, ne pas payer et n'accepter aucun rabais, car après ils ne vous lâchent plus ! »
Il est difficile d'estimer combien de médecins, avocats, écoles et autres associations, ont répondu au publipostage d'AnnuairePRO, qui à l'évidence, a ratissé très large. Le 31 mars, le tribunal de grande instance de Colmar avait collecté plus de 3 000 plaintes, soit deux fois plus qu'un mois plus tôt. Un responsable de la société AnnuairePRO a été convoqué, indique la greffière chargée du dossier, qui n'en dira pas plus sur le déroulement de l'instruction. La consigne est inchangée pour ceux qui s'estiment victimes de cette offre : il faut porter plainte auprès du procureur de la République de Colmar, en expliquant qu'on a été abusé. « Il y a tout lieu de penser que la procédure va se faire pour l'exemple dans un, deux ou trois ans, mais qu'on ne va trouver personne » à condamner, estime un avocat francilien, qui recommande de compléter la démarche en écrivant au parquet le plus proche avec accusé réception.
D'autres annuaires du même type sont vendus à partir de l'étranger depuis des années, précise Eric Claveau. Les trois principaux, European city guide (basé à Barcelone, en Espagne), Fair guide (Suisse) et Tour&Travel guide (Liechtenstein), dépendent de la même maison mère, Ovag Verlag. Malgré une condamnation à 23 000 euros d'amende pour publicité mensongère et escroqueries en 2001, la société European City Guide continue son harcèlement et ses manoeuvres illégales.
L'Agence européenne de la consommation vient d'ailleurs de recevoir une nouvelle vague de plaintes contre cette organisation. Eric Claveau a monté en 2001 l'association NAGE - « non à l'arnaque au guide européen » -, qui regroupe aujourd'hui quelque 6 000 membres, parmi lesquels bon nombre de médecins. Ces derniers, « pas très paperasse », doivent être vigilants, car de ce fait, ils constituent « la bonne poire pour ce genre de truc », prévient Eric Claveau.
La maison mère Ovag Verlag a astucieusement basé ses trois sociétés dans trois pays différents. Celle qui est installée en Espagne inonde de courriers toute l'Europe, à l'exception de l'Espagne. Même système pour les deux autres. Cela ne met pas ces sociétés à l'abri d'éventuelles condamnations par la justice locale, mais leur évite le pire : la fermeture.
Le système semble rodé, mais les victimes n'ont pas à se faire de mauvais sang pour autant. Car pour récupérer leur dû, les sociétés frauduleuses doivent porter plainte devant un tribunal de commerce français. Eric Claveau n'attend que cela : « Là, on leur tombe dessus avec nos avocats pour faux et usage de faux, harcèlement et publicité mensongère. »« En l'absence de convocation par le tribunal de votre région, vous ne craignez rien, leurs courriers d'intimidation venant d'une maison de recouvrement ou d'un huissier n'ont aucune valeur », insiste-t-il.
La direction de la Répression des fraudes de Montpellier, aidée par des juristes, s'apprête à rencontrer son homologue espagnol pour trouver un moyen de stopper le European City Guide. Pour l'heure, elle a centralisé un millier de plaintes.
Un nouvel annuaire « bidon » voit le jour chaque année. Dernier en date : les Pages Biz, à Paris. L'arnaque semble cette fois moins vicieuse. Car le montant à payer (296 euros) est clairement indiqué, de même que les diverses modalités de paiement. Après, libre à chacun de s'engager ou non. Mais là, il sera plus difficile de défendre son cas après coup. « Si les gens sont assez bêtes pour payer alors que c'est demandé, tant pis pour eux », conclut Eric Claveau.

* Collectif de défense et association NAGE (« Non à l'arnaque au guide européen »), Eric Claveau, 22, rue Fabienne-Landy, 37700 Saint-Pierre-des-Corps, tél. 02.47.44.86.48, après 21 heures.

Delphine CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7307