C'est la première fois qu'un tel signal apparaît : l'étude de cohorte française MONALISA montre une surmortalité des patients atteints de neurolistériose recevant une corticothérapie par dexaméthasone telle qu’elle est prescrite dans les autres méningites bactériennes. Ces résultats ont été publiés dans le « Lancet Infectious Disease » par le Dr Caroline Charlier et le Pr Marc Lecuit responsable du Centre national de référence des Listeria (CNRL), à l'Institut Pasteur.
La listériose est une maladie à déclaration obligatoire rare en France, dont l’incidence est estimée à environ 5 cas par million d’habitants. Elle se manifeste par une infection materno-fœtale ou néonatale, une septicémie ou une infection neurologique. Les formes non materno-néonatales sont associées à une mortalité de 20 à 30 %. Chez la femme enceinte, l'oinfection peut provoquer un avortement, un accouchement prématuré ou une infection néonatale.
Un risque de décès multiplié par 4,5
La cohorte MONALISA a été mise en place par le CNRL entre novembre 2009 et juillet 2013. Le Dr Caroline Charlier, de l'Institut Pasteur et de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP Université Paris Descartes) et ses collègues, assistés de médecins de la France entière, ont inclus 818 cas, dont 107 infections maternelles ou néonatales, 427 bactériémies et 252 cas de listériose neuroméningée.
Plus de la moitié (54 %) des patients victimes de neurolistérioses est décédée au bout de trois mois. Les patients traités par corticoïdes avaient un risque de décès à 3 mois multiplié par 4,58 comparés à ceux qui n'en recevaient pas (survie de 52 % sous corticoïdes versus 73 %).
« Il n'existe pas de recommandations spécifiques aux neurolistérioses », explique le Dr Charlier. mais « la prescription de corticoïdes, qui est recommandée dans les méningites bactériennes, semble délétère chez les patients atteints de neurolistériose ». Le Pr Lecuit précise que « les raisons qui expliquent cette surmortalité restent à déterminer ». Il souligne « le très mauvais pronostic des neurolistérioses, avec seulement seuls 33 % des patients atteints ont survécu sans séquelles ».
La première étude de cohorte prospective du genre
Ces travaux constituent la première étude de cohorte prospective visant à caractériser les facteurs pronostiques des listérioses en France. Ils confirment la grande sévérité des différentes formes d'infection à Listeria. Seulement 5 % des femmes enceintes infectées n'ont pas connu d'événement grave, et 24 % d'entre elles ont perdu leur bébé. Les auteurs notent que toutes les pertes fœtales survenaient en cas d’infection maternelle avant 29 semaines d'aménorrhée, et au maximum dans les 2 jours suivant le début de la prise en charge. En dehors de la grossesse, l'un des facteurs prédictifs les importants de mortalité était la présence d'un cancer non guéri (risque de décès à 3 mois multiplié par 5,19) ou l’aggravation d’une comorbidité (mortalité à 3 mois multipliée par 2).
En France métropolitaine, entre 350 et 400 cas de listériose sont déclarés tous les ans. Après une nette décroissance du nombre de cas depuis les années 1990 (en lien avec la mise en place de mesures nationales de contrôle alimentaire), on note une augmentation des cas depuis 2006-7, liée à une augmentation du nombre de formes septicémiques. La cause en reste inconnue à ce jour, et est en cours d’investigation. Elle pourrait être en lien avec le vieillissement de la population et l’administration accrue de traitements immunosuppresseurs.
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