Comment vivent les personnes suivant un régime sans gluten au quotidien ? C’est ce qu’a cherché à déterminer l’étude Vie100Glut’ portée par l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag), menée par l’UMR 7268 Adés (Université Aix-Marseille). Originalité de cette enquête collaborative : elle était issue de l’expérience des personnes suivant un régime excluant le gluten, quelle qu’en soit la cause. Sur 2 372 questionnaires partiellement ou totalement renseignés, 1 740 ont pu être exploités en totalité. Huit sur dix étaient des femmes, 82 % avec une maladie cœliaque, 14 % avec une sensibilité au gluten non cœliaque. Le diagnostic a été porté neuf fois sur dix par un professionnel de santé, essentiellement le gastro-entérologue ou le médecin généraliste.
Un certain délai est relevé, 60 % étant diagnostiqués six mois ou plus après les premiers symptômes. Parmi eux, 25 % le seront après dix ans et 20 % après 20 ans. « C’est presque une situation de maladie rare, alors qu’elle ne l’est pas », note le Dr François Faurisson (retraité Inserm), méthodologiste de l’enquête. Selon l’Afdiag, 500 000 personnes seraient atteintes de maladie cœliaque en France, et seulement de 10 à 20 % diagnostiquées.
La moitié des répondants suivent un régime sans gluten depuis au moins cinq ans, un tiers depuis dix ans. Près de deux tiers trouvent que cela est difficile au quotidien et un quart déclarent commettre des entorses, accidentelles ou délibérées. En cause avant tout, la difficulté de connaître la composition des plats à l’extérieur, suivie de la frustration liée au régime, la difficulté de lire les étiquettes ou la non-disponibilité des produits sans gluten. Enfin, parler du régime représente un frein pour un quart, tandis que le surcoût, chiffré à 2 à 3 % du revenu annuel, entre aussi en jeu.
Le remboursement des produits par l’Assurance-maladie peut désormais être demandé via l’application Ameli, à hauteur de 60 % du montant du produit, plafonnés à 45,73 € par mois pour un adulte, chez les patients sous ALD confirmée par biopsie digestive.
Quatre groupes de comportements
« Nous avons mené ce travail de ‘recherche – action’ dans l’objectif de mieux comprendre le quotidien de ces personnes et aussi de dégager des pistes susceptibles de les aider », explique le Dr Faurisson. Quatre groupes de patients au comportement homogène ont pu être identifiés :
- « Les contraints » représentent 40 % des répondants. Leur proportion diminue avec le temps d’observance du régime. Ce sont aussi les plus jeunes, avec un âge médian de 36 ans. Pour eux, tout est contrainte : le régime, difficile, la cuisine, qu’ils font par obligation, le restaurant, qu’ils évitent. La majorité parle difficilement, peu ou pas du tout de sa maladie.
- « Les adaptés » représentent 30 % des répondants, leur proportion augmente avec le temps pour atteindre 45 % à dix ans. L’âge médian est de 46 ans. Ils parlent aisément de leur régime et trouvent facile de le respecter ; ils cuisinent avec plaisir et vont au restaurant.
- « Les impliqués » représentent 20 % des répondants ; avec un âge médian de 47 ans, ce sont essentiellement des enfants et des personnes âgées. Leur proportion ne varie pratiquement pas avec l’ancienneté du régime. Ils en parlent sans difficulté, trouvent qu’il est facile à suivre, même s’ils reconnaissent cuisiner plus par obligation que par plaisir. Ils commettent peu d’écarts mais évitent les situations à risque comme le restaurant. Leur mode de vie est plutôt austère. Ils se forcent mais se plaignent peu. « Ils suivent le régime tête baissée », note le Dr Faurisson.
- « Les isolés » ne sont qu’environ 10 % en moyenne. Leur proportion diminue rapidement les six premiers mois. Avec un âge médian de 41 ans, ils ont du mal à entrer dans leur régime. Pour eux, tout est compliqué. Le régime, dont ils évitent de parler, la cuisine qu’ils font par obligation. Ils font souvent des écarts et ne vont pas au restaurant.
Des mesures adaptées peuvent être prises face à ces différents profils. Les « contraints » et les « isolés », notamment, qui représentent la moitié des patients, ont besoin d’accompagnement, d’échanges pour mieux comprendre leur régime, l’adopter et l’expliquer à d’autres. « C’est un régime qui laisse peu de place à la spontanéité. Nous avons posé la question : ‘quand vous allez chez des amis ou en famille, est-ce qu’un plat sans gluten est prévu pour vous ?’. En parler est déterminant pour arriver exclure le gluten », souligne le Dr Faurisson.
On peut noter que seuls 58 % des « contraints » et 30 % des « isolés » sont adhérents à l’Afdiag, contre 65 % des autres répondants. Si les choses sont plus simples pour les « adaptés » et les « impliqués », il faut toutefois en moyenne dix ans pour passer de l’interdiction du gluten à un mode de vie où l’utilisation des produits sans gluten est spontanée.
Conférence de presse organisée par l’association française des intolérants au gluten (Afdiag)
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