Exacerbations de BPCO

Les erreurs d’utilisation des inhalateurs associées à un doublement du risque d’hospitalisation !

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Publié le 08/03/2017
Pr Mathieu Molimard

Pr Mathieu Molimard

L’étude pharmaco-épidémiologique de Molimard et al. (1), promue par le département de pharmacologie du CHU de Bordeaux et financée par Novartis Pharma, s’est déroulée en France de mars à octobre 2015. Elle a recruté par mailing large, 212 médecins généralistes et 50 pneumologues de ville. Ils ont inclus 2935 patients BPCO fumeurs ou anciens fumeurs, utilisant un dispositif d’inhalation en traitement de fond depuis plus d’1 mois.

Pour chaque dispositif, une check-list dédiée reprenait tous les items de la « Notice Patient ». Pour chaque patient, le praticien notait s’il suivait correctement ou non chaque item et s’il avait été hospitalisé pour exacerbation dans les 3 mois précédents. « Nous avons adressé plus de fiches pour les dispositifs moins courants afin qu’ils soient bien représentés. 3393 dispositifs ont été évalués dont Breezhaler (876), Diskus (452), Handihaler (598), Respimat (625), spray (422) et Turbuhaler (420) » indique le Pr Molimard. Les chercheurs ont classé a priori les erreurs en « peu grave » (le patient reçoit sa dose) ou « grave » (il est susceptible de ne pas recevoir toute sa dose).

Une proportion inadmissible d’erreurs graves

Quel que soit le dispositif, la notice est loin d’être parfaitement respectée.

Les erreurs indépendantes du dispositif étaient soit « peu graves » soit « graves » (ne pas mettre le dispositif dans la bouche pour inspirer, souffler dans une poudre avant l’inhalation). « On retrouve les mêmes taux d’erreurs indépendantes du dispositif, quel que soit l’inhalateur, ce qui valide en interne l’étude (absence de biais orientant vers un dispositif particulier) » précise le Pr Molimard.

Quant aux erreurs graves liées aux dispositifs « Leur proportion est inadmissible indique le spécialiste. Si Breezhaler et Diskus s’en sortent le mieux, il n’y a pas de quoi pavoiser (16 à 20 % d’erreurs graves, c’est 1 patient sur 5 ou 6 qui ne prend pas toute la dose !), pour le Turbuhaler  c’est 30 %, et 40 % pour spray et Respimat ».

Ces erreurs graves peuvent concerner :

- La préparation de la dose : absence de gélule dans le dispositif, Handihaler et Breezhaler (0,5 %) ; absence de cartouche, Respimat (6 %) ; inhalation alors que le compteur de dose est à zéro (4 %) ; erreurs d’activation (1 à 2 %) sauf Turbuhaler (20 %).

- La délivrance de la dose : souffler dans une poudre (10 % quel que soit le dispositif de poudre !) ; ne pas mettre le dispositif dans la bouche (2 % !) ; poudre restant dans la gélule Breezhaler (4 %), Handihaler (13 %), chiffre que le Pr Molimard croît sous-estimé car la gélule est opaque, le médecin n’avait pas pour consigne de l’ouvrir, de plus, il faut inspirer deux fois selon la notice, ce que patients et médecins savent rarement ; mauvaise synchronisation de la main et du poumon avec émanation de fumée Respimat et spray (40 %).

Exacerbations sévères associées aux erreurs graves

Chez les patients qui utilisent leur dispositif depuis au moins 3 mois, le taux d’hospitalisation dans les 3 mois précédents double chez les patients qui font des erreurs graves : 6 % vs 3 % chez les patients qui ne font pas d’erreur. « Cela valide ces erreurs comme étant réellement graves et prouve de façon indirecte l’utilité des traitements s’ils sont bien pris » note le Pr Molimard. Plus le système est utilisé depuis longtemps, plus le patient est à risque d’erreurs graves ! Et 30 à 50 % des patients n’ont jamais lu la notice.

L’analyse en régression logistique met en évidence les paramètres significativement associés à une exacerbation sévère : erreur grave (OR 1,86), âge > 70 ans (OR 1,65), antécédents d’asthme (OR 1,72), ancienneté de la BPCO > 10 ans (OR 5,77), mauvaise observance (OR 1,73).

Vérifier régulièrement la bonne utilisation

Le taux d’erreurs pourrait être sous-estimé car les médecins recrutés étaient motivés par ce sujet.

« Les erreurs graves sont associées aux exacerbations sévères et à un manque de formation des patients (démonstration, lecture de notice) : médecins, pharmaciens et kinésithérapeutes doivent impérativement s’impliquer sans se défausser les uns sur les autres, pour vérifier l’utilisation correcte de l’inhalateur à l’initiation et ensuite régulièrement revoir le patient avec son dispositif pour vérifier son utilisation correcte. C’est probablement beaucoup plus important que le choix de la molécule ! Le meilleur inhalateur est celui que le patient utilise correctement » Conclut le Pr Molimard.

Les erreurs graves à éviter !

-Pour tous les inhalateurs : ne pas mettre l’inhalateur dans la bouche, souffler dans un système poudre
- Breezhaler : ne pas insérer la gélule, ne pas la percer, ne pas appuyer sur les boutons et relâcher, poudre restant la gélule à la fin de l’inhalation,
- Diskus : ne pas pousser le levier, continuer à l’utiliser quand le compteur est à zéro et qu’il n’y a plus de doses,
- Handihaler : sensiblement identique au Breezhaler
- Respimat : pas de cartouche dans le dispositif, utiliser avec compteur de doses à zéro, mauvaise synchronisation main
-poumon avec émanation de fumée
- Spray : mauvaise synchronisation main-poumon avec émanation de fumée
- Turbuhaler : Absence d’aller et retour ou appareil non tenu verticalement pour tourner la molette, manipulation avec compteur de doses à zéro

D’après un entretien avec le Pr Mathieu Molimard, pharmacologue au CHU de Bordeaux
(1) Molimard M. et al., Eur Respir J. 2017 Feb 15 ; 49 (2). pii : 1601794. doi : 10.1183/13993003.01794-2016.

Dr Sophie Parienté

Source : lequotidiendumedecin.fr