Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) seraient liés à un risque accru de décès toutes causes confondues, notamment en cas d’utilisation chronique. C’est du moins ce que suggère une étude observationnelle de grande ampleur menée par des chercheurs de l’université de Washington et publiée dans la revue BMJ Open.
Les IPP, pas si inoffensifs
En effet, des recherches récentes ont indiqué des associations entre le recours aux IPP et des risques plus élevés d'atteintes hépatiques, de pneumopathies ou de fractures ostéoporotiques. Par ailleurs, le Dr Ziyad Al-Aly, auteur de l'étude actuelle, avait déjà publié des travaux montrant une corrélation entre les IPP et des néphropathies et d'autres experts avaient relevé des liens avec d’autres pathologies. Le spécialiste américain et son équipe ont voulu tester une hypothèse : chacune de ces maladies ayant un léger impact sur la mortalité des patients, les IPP pourraient indirectement avoir impact sur les taux de mortalité de leurs consommateurs.
Les chercheurs ont donc parcouru des millions de dossiers médicaux de vétérans stockés dans une base de données américaine. Ils ont identifié 285 933 individus qui ont reçu des IPP et 73 355 à qui l’on a prescrit des anti-H2 entre octobre 2006 et septembre 2008. Ils ont, ensuite, observé lesquels sont décédés au cours des cinq années suivantes. Les motifs de décès n’étaient toutefois pas précisés dans les dossiers.
Un risque de décès plus élevé de 25 % par rapport à ceux sous anti-H2
Les chiffres sont éloquents : le risque de mortalité toutes causes confondues était 25 % supérieurs pour le groupe sous IPP par rapport à celui sous anti-H2. Les scientifiques ont calculé qu’environ un décès sur 500 personnes sous IPP survenait au cours d'une année de traitement. « Au vu des millions de personnes qui en prennent régulièrement, on peut compter des centaines de mort en excès chaque année », argue le Dr Al-Aly. De même, les spécialistes ont également analysé les données concernant les personnes qui consommaient des IPP ou des anti-H2 alors qu’ils ne souffraient pas des problèmes gastro-intestinaux pour lesquels ces médicaments sont recommandés. Dans ce cas précis, les consommateurs d’IPP encourent un risque accru de 24 % par rapport à ceux sous anti-H2.
Ce risque serait aussi corrélé avec la durée de traitement. Si après 30 jours, les risques de décès étaient similaires dans le groupe sous IPP et dans celui sous anti-H2, chez les personnes qui consommaient ces médicaments depuis un ou deux ans, le risque était augmenté de 50 % chez ceux sous IPP par rapport à ceux sous anti-H2.
« Le plus souvent, les IPP sont prescrits pour une bonne raison médicale, mais les médecins n’arrêtent pas les prescriptions et les patients se refournissent à chaque fois », explique le Dr Al-Aly. Selon lui, « Il devrait y avoir des réévaluations périodiques sur l’acuité des traitements. La plupart du temps, les patients ne devraient pas être traités pendant un ou deux ans ».
Ces travaux ont toutefois certaines limites. Notamment les personnes dans le groupe IPP étaient en moyenne plus âgées que ceux du groupe sous anti-H2 (64 contre 61 ans). De même, ils étaient plus fréquemment en mauvaise santé avec des taux plus élevés de diabète, d’hypertension ou de pathologies cardiovasculaires. Néanmoins, ces différences n’expliquent pas en totalité le surrisque observé. D’ailleurs ce risque accru demeure visible même après avoir pris en compte ces facteurs dans les analyses statistiques.
Les auteurs estiment que compte tenu de la disponibilité de ces médicaments et des éléments montrant des liens entre ces produits et des effets secondaires potentiellement graves, il est peut-être temps de restreindre les indications d’utilisation et la durée des traitements. À l’heure actuelle, aux États-Unis la Food and Drug Administration (FDA) recommande déjà de ne pas prendre des IPP plus de quatre semaines sans consulter un médecin.
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