Risque de sifflement du petit enfant

Les isoformes de la vitamine E ne se valent pas

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Publié le 14/06/2018
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vit E

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Crédit photo : PHANIE

Il existe huit isoformes de vitamine E, généralement associées dans les compléments nutritionnels. Or une étude portant sur la vitamine E, la grossesse et le risque d’asthme du petit enfant vient de mettre en évidence qu’elles ont des impacts bien différents sur la santé pulmonaire, via probablement la détoxification des radicaux libres et la modulation de la réponse immune (1).

Les deux isoformes principales présentes chez l’humain sont l’alpha- et le gamma-tocophérol, la première semblant être sélectivement accumulée par une protéine de transport tissulaire. Or plusieurs études suggéraient déjà qu’elle exerçait des effets bénéfiques. Sur modèle murin, elle réduit l’inflammation pulmonaire de la descendance. Chez l’humain, elle est associée à une meilleure fonction pulmonaire néonatale et à une réduction du risque d’asthme chez la femme.

Plus de 650 nouveau-nés suivis sur deux ans

La vaste étude menée sur plus de 600 nouveau-nés suivis pendant deux ans, présentée lors du congrès 2017 de l’American Academy of Allergy Asthma and Immunology, vient confirmer de manière éclatante l’impact positif de l’alpha-tocophérol, du moins de son taux dans le sang maternel, sur la santé pulmonaire des nouveau-nés — quand en revanche le gamma-tocophérol semble, lui, délétère.

L’étude est basée sur le dosage de l’alpha- et du gamma-tocophérol maternels après grossesse (à 2 mois en moyenne). Les sifflements et l’asthme des enfants ont été identifiés au moyen d’un questionnaire annuel prenant comme critère diagnostique de sifflements douze mois de sifflements, le recours à un traitement antiasthmatique et/ou un diagnostic médical d’asthme.

L’analyse montre que les enfants de mères ayant un taux bas d’alpha-tocophérol sont significativement plus à risque de sifflements. A contrario, ce sont des taux élevés de gamma-tocophérol qui semblent associés à un surrisque – mais l’impact de l’alpha-tocophérol est tellement important qu’il enlève de la puissance à cette analyse. Le risque relatif de sifflements associé à un taux élevé d’alpha-tocophérol est de 0,7 [0,5-0,9], celui avec le gamma-tocophérol de 0,98 (NS). Et, en analyse multivariée, l’alpha-tocophérol est très significativement associé à une réduction du risque de sifflements, et non le gamma-tocophérol. Enfin, les enfants de mères ayant des taux élevés des deux isoformes ont un risque augmenté par rapport à ceux dont la mère a seulement un taux élevé d’alpha-tocophérol. Ce qui suggère – rien n’est simple – que ces deux isoformes interagissent.

Pour les auteurs « il faut peut-être à l’avenir modifier les recommandations nutritionnelles », et « dans l’attente d’études d’intervention testant l’alpha-tocophérol, en pratique clinique, si l’on suspecte un déficit vitaminique chez une femme enceinte, il semble judicieux de doser l’alpha-tocophérol, et s’il est bas d’intervenir ».

Toutes les huiles ne se valent pas

Le premier pourvoyeur de vitamine E est l’huile alimentaire, du moins aux États-Unis. Mais la proportion des diverses isoformes de vitamine E varie largement d’une huile à l’autre. Celles de tournesol et de carthame contiennent le plus d’alpha-tocophérol, celles de soja, de maïs et de colza sont quant à elles riches en gamma-tocophérol. Or, aux États-Unis, les huiles de maïs et de soja sont très largement consommées. Et le choix d’une huile doit aussi prendre en considération son taux en oméga-3. D’ailleurs, par exemple, l’huile d’olive a un excellent taux à la fois d’oméga-3 et d’alpha-tocophérol…

Autre problématique, les vitamines prénatales sont faites à partir d’huiles de maïs, de soja, de colza… et les compléments détaillent rarement leur contenu en alpha-tocophérol. Ils affichent en effet souvent uniquement leur teneur en vitamine E totale, somme de toutes les isoformes.

(1) Stone C. S. « Maternal vitamin E plasma isoform concentrations and association with child wheezing and asthma outcomes », congrès de l’American Academy of Allergy Asthma and Immunology, Atlanta, mars 2017 (extrait 263)

Pascale Solere

Source : Nutrition