L’incidence du mélanome a augmenté dans les 2 sexes de 1980 à 2011 : chez l’homme, elle est passée de 2,4 à 9, 7 pour 105 habitants ; chez la femme de 3,9 à 10,1. L’homme (H) rattrape la femme (F). En 2012, le nombre de nouveau cas par an est estimé à 5 429 (H) et 5 747 (F) et l’âge moyen au diagnostic, 61 ans (H), 64 ans (F).
La mortalité du mélanome ne cesse de croître chez l’homme ; Elle est stable chez la femme depuis les années 1990. Aujourd’hui la majorité des personnes qui meurent de mélanome en France sont des hommes (en 2012, 954 H/718 F selon l’INCa).
Le dépistage tardif de lésions épaisses (indice de Breslow élevé) et ulcérées explique la gravité chez l’homme, mais le sexe masculin est également en soi un facteur de gravité. L’indice de Breslow médian (H 1,2 mm, F 0,9 mm) dans une étude récente (vs 0,7 mm aux USA), témoigne pour le Pr Florent Grange « du retard de la France sur le dépistage précoce du mélanome, notamment dans des régions à faible densité médicale ».
Cibler les hommes âgés
Les médecins généralistes (MG) ont un rôle clé à jouer dans ce dépistage précoce pour diminuer la mortalité. Une étude réalisée en 2008 en Champagne Ardennes (Grange et al., « British Journal of Dermatology », 2013) avait montré qu’un entraînement des généralistes permettait de diminuer l’incidence des mélanomes très épais au diagnostic laissant présager une baisse de mortalité. Il aurait fallu pouvoir la prolonger.
Les facteurs de risque de mélanome sont connus : phénotype roux, peau claire, grains de beauté nombreux, coups de soleil faciles, expositions fréquentes au soleil, antécédents familiaux... Les facteurs de risque de mourir d’un mélanome le sont moins : sexe masculin, âge supérieur à 50 ans, personnes vivant seules. Ceux qui cumulent ces facteurs de risque de mélanome grave ne viennent pas montrer leur mélanome. Or, si le diagnostic de mélanome très fin est affaire de spécialiste, « il est facile de reconnaître un mélanome de 2 mm d’épaisseur chez un patient qui ne l’a pas remarqué si on le déshabille pour examiner sa peau », rappelle le Pr Grange qui propose « un examen cutané complet tous les 3 ans avant 35 ans, tous les 2 ans jusqu’à 50 ans, puis chaque année au-delà de 50 ans ».
Spécificités de siège chez l’homme
Si les différences « classiques » de siège H/F tendent à s’amenuiser (H et F portent des shorts, utilisent des cabines UV, s’exposent le tronc au soleil), d’autres apparaissent. L’étude de l’équipe du Pr Grange (« British Journal of Dermatology » 2014) en Champagne Ardennes retrouve sur 1 500 mélanomes (âge moyen 60-65 ans) la classique différence de siège homme/femme (H/F) : tronc (H 42 % vs F 15 %), membres inférieurs (MI) (F 32 % vs H 9 %), mais elle s’estompe chez les plus jeunes. À l’extrémité cervico-céphalique, des différences émergent : le siège est central (nez, joue, pourtour de la bouche, menton) chez la femme (75 %) ; à majorité périphérique (scalp, oreilles, tempes, cou) chez l’homme (53 %). « Les cheveux longs protègent la périphérie du visage et le cou de la femme. L’homme qui se dégarnit avec l’âge devient plus vulnérable à la surexposition solaire. Son problème de cheveux n’est pas qu’esthétique ! », indique le Pr Grange.
Plus inattendu, l’étude révèle une différence significative H/F de latéralité des mélanomes cervico-céphaliques (non retrouvée au tronc ou aux MI) : à droite (F), à gauche (H). « La photo-exposition en voiture (aux UVA, non arrêtés par les vitres) est la principale hypothèse chez ces patients de cette génération (hommes plus conducteurs, femmes plus passagers), note le Pr Grange. Ceux qui passent de longues heures en voiture (VRP, chauffeurs de taxi, bus, camion) devraient se protéger le visage quand l’index UV est élevé. »
Le Pr Grange conclut sur « l’intérêt de réexaminer l’intérêt en santé publique d’un dépistage organisé systématique du mélanome en France, compte tenu du coût social et humain croissant du mélanome métastatique ».
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