Une nouvelle étude publiée dans le BEH met en évidence l'impact du statut social sur l'incidence des cancers en France. Or si la fréquence de certains cancers augmente avec la défavorisation sociale, d'autres, au contraire, sont en baisse chez les populations favorisées.
Près de 15 000 cas de cancers seraient évitables en France via l'amélioration des conditions de vie et la promotion de la santé des plus défavorisés, selon la première étude française du genre publiée dans le dernier BEH. Si les résultats confirment que plus l'environnement socio-économique est défavorable, plus l'incidence des cancers des voies aérodigestives hautes augmente, d'autres localisations sont aussi concernées selon ces travaux, dirigés par Joséphine Bryère, de l'Inserm. À l'inverse, un contexte socialement favorable peut aussi s'avérer un élément péjoratif sur l'incidence d'autres types de cancers !
Un gradient avec la dévalorisation sociale mais pas que…
En effet, ces scientifiques ont essayé de quantifier l'impact de l'environnement socio-économique sur l'incidence des cancers, là où la plupart des études antérieures s'attachaient au taux de mortalité. Ces travaux sont basés sur un nombre considérable de données provenant des registres du réseau national Francim (réseau français des registres des cancers) établis dans 16 départements entre 2006 et 2009 et englobant près de 12 millions d'individus soit environ 20 % de la population française. Parmi eux, près de 200 000 personnes ont eu un cancer durant cette période. Les 15 tumeurs solides et les 3 hémopathies malignes les plus fréquentes ont été analysées. « Il s'agit de données fiables, précises et puissantes », souligne le Pr Guy Launo y, du centre hospitalier universitaire de Caen et un des auteurs.
Avec un environnement socio-économique défavorable, les cancers de l'estomac, du foie, des lèvres, de la bouche, du pharynx et du poumon augmenteraient pour les deux sexes. Mais cette association concerne également les cancers du larynx, du pancréas, de l'œsophage et de la vessie pour les hommes et les cancers du col de l'utérus pour les femmes. A contrario, l'incidence de certaines catégories de cancers serait en hausse pour les populations favorisées comme le mélanome pour les deux sexes, ceux de la prostate et des testicules pour l'homme, du sein et des ovaires pour la femme.
Plus précisément, la proportion des cas de cancers attribuables à un niveau social faible était la plus forte pour les cancers du larynx (30,1 %), des lèvres-bouches-pharynx (26,6 %), et du poumon (19,9 %) pour la gent masculine. Pour la gent féminine, on remarque également une fréquence accrue des cancers lèvres-bouches-pharynx avec 22,7 % ainsi que ceux du col de l'utérus (21,1 %).
Des confirmations et des surprises
Si une partie des résultats confirme le surrisque lié à la défavorisation sociale pour les cancers des voies respiratoires et digestives hautes qui peut s'expliquer par le tabagisme ou l'exposition professionnelle, une autre partie met en évidence un lien avec d'autres localisations comme le foie, la vessie, le pancréas, ou l'estomac sans que l'on puisse identifier les mécanismes médiateurs. « Certains des résultats ont été une surprise. On s'attendait par exemple à davantage de cancers colorectaux chez les plus favorisés, ce qui n'a pas été le cas », expose le spécialiste. De même, la favorisation sociale entraînerait une hausse de l'incidence de cancers. Or, si pour la prostate, « le dépistage plus fréquent dans les milieux sociaux favorisés peut expliquer cette augmentation », qu'en est-il du cancer de l'ovaire plus fréquent pour les femmes favorisées ?
« Nous n'avons aucune piste », avoue le Pr Launoy. Apparemment, il en est de même pour le mélanome. Des travaux futurs devront donc être mis en œuvre pour tenter de comprendre ces associations.
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