Il y a 5 mois, l'agence fédérale américaine du médicament autorisait la mise sur le marché (AMM) de CAR-T cells dans l'indication de la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) de l'adulte et de l'enfant.
On ne disposait toutefois pas encore de données à long terme d'efficacité et de sécurité de cette thérapie génique, notamment chez l'enfant. C'est désormais chose faite, grâce à la publication dans le « New England Journal of Medicine » d'un suivi à un an de 75 jeunes patients âgés de 11 ans en médiane.
Les CAR T-cells sont des lymphocytes T autologues modifiés pour qu'ils expriment un récepteur chimérique conçu pour reconnaître de manière spécifique l'antigène tumoral.
L'équipe menée par le Dr Shannon Maude de l'école Perelman de médecine, à Philadelphie, a été la première à expérimenter cette approche de thérapie génique du cancer hématologique. Trois mois après une perfusion unique de tisagenlecleucel (les CAR-T cells commercialisés sous le nom de Kymriah par Novartis qui finance l'essai), le taux de rémission complète était de 81 %. À 6 mois, le taux de survie sans événement indésirable était de 73 % et le taux de survie globale est de 90 %. Au bout d'un an de suivi, ces taux étaient de respectivement 50 et 76 % et la durée médiane de rémission n'était toujours pas atteinte. La présence de tisagenlecleucel dans le sang des patients était détectée jusqu'à 20 mois après le traitement.
« Nos données ne montrent pas seulement que nous pouvons obtenir une rémission durable à long terme et une amélioration de la survie, elles prouvent aussi que les lymphocytes T modifiés persistent dans le corps du patient pendant des mois », se réjouit le Dr Maude. La persistance médiane des tisagenlecleucel était de 168 jours au moment où les données ont été analysées.
Un tiers de patients en soins intensifs
Dans 77 % des patients ont connu un syndrome sévère de relargage des cytokines, avec des symptômes qui s'apparentent à ceux d'une grippe sévère : fièvre, douleurs musculaires, symptômes neurologiques, problèmes de circulation et respiratoire. Ces symptômes ont contraint près de la moitié d'entre eux à faire un séjour en unité de soins intensif.
Pour le Dr Stephan Grupp, de l'hôpital pour enfant de Philadelphie qui a participé à l'étude, la prise en charge des effets secondaires est « un vrai défi », mais cette étude « montre que la plupart des effets toxiques ne durent pas longtemps, sont réversibles. C'est un tournant décisif pour tous ces enfants à haut risque qui avaient, jusqu'ici, très peu de chance de survie », espère-t-il.
Un nouveau challenger
Outre Kymriah, un autre traitement à base de CAR-T cells possède également d'une AMM aux États-Unis depuis octobre dernier : Yescarta (axicabtagene ciloleucel commercialisé par Gilead depuis le rachat de Kite Pharma), indiqué dans le lymphome non hodgkinien agressif de l'adulte. Un 3e challenger pourrait bien entrer en piste : les 19-28z CAR T cell dont les premiers résultats de phase 1 sont également publiés dans ce même numéro du « New England ». La particularité du 19-28z CAR T Cell est d'exprimer non seulement le récepteur antigénique spécifique au CD19, mais aussi le récepteur de coactivation CD28 et la chaîne zeta du récepteur DC3.
Les chercheurs ont recruté 53 adultes atteints de leucémie lymphoblastique à cellule B résistante aux traitements ou en rechute. Un syndrome sévère de relargage des cytokines a été observé chez 26 % des participants l'étude, dont un est décédé 5 jours après l'injection des CAR-T cell. Une rémission complète a été obtenue chez 44 patients (83 %). À l’issue d'un suivi médian de 29 mois, la survie médiane sans progression est de 6,1 mois, et la survie médiane est de 1 an.
Quels patients privilégier ?
Le Pr Jae Park et ses collègues du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center ont cherché quels facteurs pouvaient prédire le risque de toxicité mais aussi les meilleures chances de réponse. Ils soulignent dans leurs conclusions que « l'expansion in vivo des CAR-T cells », constitue « le meilleur facteur prédictif de la toxicité et de la réponse à court terme ». Plus les CAR-T cells proliféraient chez les patients, plus le risque de syndrome sévère de relargage des cytokines est important, mais plus les chances de réponse au traitement sont fortes.
En ce qui concerne la réponse à long terme, le seul facteur prédictif identifié par les auteurs reste la sévérité de la maladie quantifiée par le pourcentage de blastes (cellules immatures) dans la moelle osseuse. En dessous de 5 %, c’est-à-dire dans les stades les moins avancés, la rémission est la plus prolongée, avec une durée de survie sans progression de 10,6 mois en médiane et une survie médiane de plus de 20 mois. « Si une prolifération solide des CAR-T cell mène à une réponse rapide forte, elle ne garantit pas une absence de rechute, surtout quand la maladie est avancée », constatent les auteurs.
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