Nous accueillons en consultation Raymond, 52 ans, pour des douleurs thoraciques apparues il y a 48 heures, lors d’une mobilisation brusque dans son lit. Depuis, il a des difficultés à se mouvoir et est obligé de dormir sur un fauteuil. Ce patient, connu de ses voisins du fait de frasques liées à un alcoolisme important, est suivi par une équipe psychiatrique du secteur. Cliniquement, nous retrouvons une douleur exquise à la palpation de ses vertèbres dorsales, ce qui nous conduit à prescrire une radiographie du rachis dorsal. Cet examen met en évidence un tassement cunéiforme de T9 (cliché 1, flèche rouge). Cette anomalie radiographique s’intègre dans le cadre d’une ostéoporose masculine.
INTRODUCTION
L’ostéoporose est une pathologie souvent décrite chez les femmes. Cependant, elle est également objectivée chez les hommes (et secondaire dans 50 % des cas). Entre 4 et 8 % des hommes de plus de 50 ans sont concernés (trois fois moins que les femmes).
Les fractures liées à l’ostéoporose les plus fréquemment observées chez l’homme sont :
• des fractures de l’extrémité supérieure du fémur dans 25 à 30 % des cas,
• des fractures vertébrales dans 10 à 12 % des cas.
Une proportionnalité entre fracture d’origine ostéoporotique et avancée en âge est observée dans les deux sexes. Cependant, il est important de noter qu’elles sont objectivées 5 à 10 ans plus tardivement chez l’homme par rapport à la femme.
Enfin, chez les hommes, 20 % des fractures du col du fémur sont à l'origine d'un décès dans l'année (un taux deux fois plus élevé que chez la femme). Tout comme chez les femmes, le plus souvent, l’ostéoporose primitive est induite par une carence hormonale à l’origine d’une perte de l’os trabéculaire plus rapide que l’os cortical.
→ Les facteurs à l’origine d’une ostéoporose secondaire Ostéoporose et ostéopénie sont classiques en cas d’insuffisance hépatocellulaire. Chez les patients alcooliques, le risque de fracture de hanche est multiplié par trois.
À côté de la consommation excessive d’alcool, d’autres facteurs sont impliqués dans la survenue d’une ostéoporose :
• l’hypercorticisme et les traitements glucocorticoïdes (fragilité majorée au-delà de 3 mois de traitement),
• l’hypercalciurie idiopathique,
• les traitements anti-androgènes prescrits dans le cadre d’un cancer de la prostate,
• un hypogonadisme congénital ou acquis,
• des facteurs génétiques comme une anomalie au niveau des récepteurs aux œstrogènes et du gène de l’aromatase,
• le tabagisme, la sédentarité, le diabète, un AVC.
DIAGNOSTIC
Sur un plan clinique, on va surtout rechercher un éventuel hypogonadisme (gynécomastie, réduction de la libido et de la pilosité, atrophie des organes génitaux externes), un hypercorticisme (HTA, vergetures), une hyperthyroïdie.
Tout comme pour les femmes, on se base, pour confirmer l’ostéoporose masculine, sur la mesure de densité minérale osseuse (DMO). Le référentiel est le col du fémur, et on parle d’ostéoporose dès lors que le T-score est inférieur ou égal à -2,5.
→ Le bilan biologique pour rechercher une étiologie secondaire Dans ce contexte, il est important de prescrire un bilan sanguin avec : NFS, calcémie, phosphorémie, électrophorèse des protides, dosage de la 25-OH-D3, ferritinémie, créatinémie, albuminémie, TSH. En cas de manifestations cliniques en faveur d’un hypogonadisme, on dose testostérone, LH, FSH, SHBG. On complète au niveau urinaire (urines de 24 heures) par une calciurie, une phosphaturie et une créatininurie. Le dosage de PTH est réalisé en cas d'anomalie du bilan phosphocalcique.
PRISE EN CHARGE
→ Le traitement préventif Dans un premier temps, il faut intervenir pour cesser toutes les addictions (tabac et alcool), préconiser la pratique d’une activité physique régulière (marche par exemple). On évite toutes les situations accidentogènes (tapis, chaussures inadaptées). On évalue aussi les apports alimentaires, que l’on supplémentera en cas de déficit par une association calcium et vitamine D.
→ Le traitement curatif On peut recourir aux biphosphonates (alendronate, résidronate, zolédronate), mais aussi au tériparatide en cas de fractures vertébrales (plus de deux).
Bibliographie
1. Flahault M, Silvain C. Ostéoporose et maladies chroniques du foie. Gastroentérologie Clinique et Biologique 2002 ; 26 : 251-253.
2. Biver E, Uebelhart B. Ostéoporose chez l’homme. Revue Médicale Suisse 2013 ; 9 : 1260-1264.
3. Mazières B, Laroche M, Constantin A, Cantagrel A. Rhumatologie pour le praticien. Ed. Elsevier Masson 2018.
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