S’il y a une chose que les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki ont apprise aux scientifiques, c’est que l’exposition brève et intense aux radiations ionisantes est liée à une augmentation dose-dépendante du risque de décès causée par une leucémie. Il n’était toutefois pas certain que cette relation se vérifiait avec les très faibles doses, comme celles auxquelles sont soumis les personnels travaillant sur des sites nucléaires ou dans l’industrie de l’enrichissement. Grâce à l’étude de cohorte INWORKS (International Nuclear Workers Study) coordonnée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), et parue dans « Lancet Haematology », on sait désormais que c’est le cas.
25 ans de données accumulées
Ce travail est le fruit d’une collaboration entamée il y a 25 ans par les instituts de radioprotection américains, anglais et français. En France, le gros des patients inclus dans l'étude étaient employés par le CEA, AREVA et EDF. Les auteurs ont ainsi pu rassembler une cohorte de plus de 300 000 travailleurs, dont les niveaux d’irradiation sont contrôlés en permanence par des dosimètres, et ayant travaillé au moins 1 an à des postes exposés à des faibles doses de rayons X ou de rayons gamma. Au total, cela représente un suivi de 8,22 millions de patients années.
Le risque de mortalité lié à la leucémie, en dehors des leucémies lymphoïdes chroniques, était multiplié par 4 pour chaque Gray d’exposition cumulée. La mortalité liée aux leucémies myéloïdes chroniques seules était multipliée par plus de 10,5 par Gray. « Les rayonnements ionisants sont un facteur de risque très important d'apparition des leucémies myéloïdes chroniques, commente Klervi Leuraud, épidémiologiste à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et premier auteur de l’étude. A contrario, la mortalité est un mauvais indicateur pour étudier le surrisque de leucémies lymphoïdes chroniques. C'est pourquoi elles ont été exclues de l'étude. » Les auteurs précisent que le surrisque de décès restait le même d’un pays à l’autre.
Les méthodes de radioprotections confortées
Cette augmentation du risque de décès est cohérente avec les chiffres déjà observés lors d’études menées chez des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki, mais cela ne signifie pas qu’une forte mortalité par leucémie est à craindre chez les travailleurs du nucléaire pour autant. Les niveaux d’exposition moyens étaient en effet très faibles, de l’ordre de 1,1 mGy par an. Cela signifie que, à moins de connaître un accident d’exploitation, un employé correctement protégé ne court ne voit son surrisque de leucémie très faiblement augmenter.
« Depuis 25 ans, on assiste à une diminution régulière du niveau de radiations auxquels sont exposés les employés du nucléaire précise en outre Klervi Leuraud. Nos résultats valident la manière dont la radioprotection est menée jusqu’à présent, suivant le principe de la "linéarité sans seuil" ». Suivant ce principe, il faut cumuler toutes les expositions aussi minimes soient-elles, pour estimer le niveau de risque des travailleurs du nucléaire.
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