L’usage des progestatifs a beaucoup diminué en raison des contraintes entourant leur prescription (notamment le recueil du consentement de la patiente et la surveillance par IRM), mais il n’y a pas eu d’arrêt total. « En revanche, dans un centre d’expertise comme le nôtre, on reçoit désormais des patientes pour une demande d’initiation et de suivi d’un traitement par progestatif, ce qui n’était pas du tout le cas avant ! », remarque le Dr Geoffroy Robin, gynécologue médical au CHU de Lille et secrétaire général du CNGOF.
Polémique de « l’effet classe »
Après l’acétate de cyprotérone (Androcur), de chlormadinone (Lutéran) et de nomégestrol (Lutényl), en mars 2023, l’ANSM a diffusé une note stipulant qu’il se pourrait que le surrisque de méningiome, observé avec ces traitements, soit extrapolable à tous les progestatifs (sauf les microprogestatifs à visée contraceptive, pour lesquels les données de cohortes sont très rassurantes). Seraient donc concernés : la progestérone naturelle, utilisée dans les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause et, à plus forte dose, dans les traitements de la PMA ; la dydrogestérone (Duphaston), avec les mêmes indications ; le diénogest (Sawis), prescrit dans l’endométriose à faible dose (2 mg) ; la médrogestone (Colprone) et la drospirénone (Slinda), qui est un contraceptif dosé à 4 mg.
« Cet avis se fonde sur un comité d’expert qui estime qu’il pourrait y avoir un "effet classe médicamenteuse", mais sans publier aucun chiffre, ni niveau de preuve pour le moment. Nous attendons avec impatience que nous soient communiquées des données chiffrées dans les prochaines semaines par l’ANSM », remarque le Dr Robin, soulignant qu’il ne faudrait pas que des femmes soient privées de solutions efficaces, avec une balance/risque très favorable (ostéoporose chez les femmes ménopausées, endométriose, PMA par exemple), au nom d’un simple principe de précaution !
Un risque rare en valeur absolue
L’incidence des méningiomes dans la population générale qui ne prend aucun traitement hormonal est de 0,01 % par an ; mais elle est sous-estimée car beaucoup sont asymptomatiques. Un tiers des méningiomes identifiés ne possèdent pas de récepteurs à la progestérone, et ne peuvent donc être biologiquement imputables à un progestatif.
L’incidence grimperait à environ 0,1 % pour les femmes ayant reçu un progestatif pendant au moins cinq ans. Il est possible qu’en réalisant des IRM, dans le cadre de la surveillance des femmes sous progestatifs, on trouve des méningiomes sans qu’ils ne soient forcément liés à ce traitement.
« On a la preuve expérimentale que les progestatifs ont des effets promoteurs sur des méningiomes préexistants car, lorsqu’on arrête le progestatif, le méningiome se stabilise ou régresse très souvent, et n’a pas besoin d’être opéré », rappelle le Dr Robin. Les localisations peuvent être très variables.
L’éventuel effet initiateur des progestatifs n’est en revanche pas formellement prouvé.
Pour l’Androcur, pour lequel le risque est plus élevé (car utilisé à plus forte dose, de 50 à 100 mg), il a donc été proposé de faire une IRM avant de débuter le traitement. Pour le Lutéran et le Lutényl, qui sont associés à un risque beaucoup moins élevé, le traitement peut être débuté en l’absence d’alternative et, s’il fonctionne bien et que la patiente est partie pour le prendre durant quelques années, une IRM sera alors réalisée au cours de l’année suivant l’initiation. La balance bénéfice/risque doit être réévaluée chaque année.
« Il faut laisser une certaine autonomie à la patiente, en l’informant objectivement, car elle a aussi son mot à dire, souligne le Dr Robin. Chaque cas est particulier et doit être discuté si besoin en commission d’experts, quitte à rapprocher la fréquence des IRM.
Exergue : « Aucun chiffre, ni preuves n’ont été publiés ! »
Entretien avec le Dr Geoffroy Robin, gynécologue médical (CHU de Lille), secrétaire général du CNGOF
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