Niger : l'association Touaregs au chevet des nomades

Publié le 03/04/2003
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Enclave de l'Afrique occidentale, le Niger ressemblerait à une immense pénéplaine de plateaux sahéliens si la monotonie de cette géographie n'était rompue par le massif volcanique de l'Aïr, qui émerge des sables du Ténéré, dans le nord-est du pays.

Au-delà de la fascination exercée par cette succession de terres hostiles et d'oueds, le Niger rappelle au visiteur de passage combien son économie, qui repose essentiellement sur le secteur agricole, est vulnérable aux aléas climatiques. Ses revenus ne permettent pas de faire face à une démographie galopante : le pays compte déjà près de 11 millions d'habitants, et ce chiffre pourrait doubler d'ici à vingt ans. Souvent mise en cause, la polygamie rend caduque toute initiative de contrôle des naissances, les épouses rivalisant de fécondité en vue de l'héritage.
Dans un tel contexte, le niveau de santé de la population (voir encadré) a peu de raison de s'améliorer, malgré de multiples aides financières internationales : en bordure des rues de la capitale, Niamey, les panneaux publicitaires vantant les mérites de tel ou tel projet sur la santé fleurissent plus vite que les acacias. Mais combien aboutiront ? Les Nigériens sont souvent les premiers à dénoncer la stérilité d'une certaine forme d'assistance, comme la mauvaise utilisation, voire le détournement, des fonds internationaux, aboutissant au sabordage des projets dans lesquels les populations ne sont, parfois, même pas directement impliquées.

Formation à l'hygiène

A contrario, certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont su apporter une aide précieuse. C'est le cas, par exemple, de l'association Touaregs*, créée en avril 1992 par Mano Dayak, figure emblématique de la rébellion des Touaregs qui a secoué le pays au début des années quatre-vingt-dix. Elle a progressivement focalisé son action sur les régions de grand nomadisme, notamment le département d'Agadez, situé au pied de l'Aïr, pour lancer et soutenir des projets gérés par les Nigériens ; les familles concernées sont associées collégialement à tous les niveaux de décision et de gestion, de sorte qu'elles en assument la responsabilité et acquièrent des compétences.
« En 2002, nous avons lancé un gros projet sur la santé, indique Bernadette Quinet, infirmière aujourd'hui retraitée et militante dans cette association : une unité de santé intégrée en zone rurale, à Agharous, à 80 kilomètres au nord-ouest d'Agadez. » Cette unité, qui allie la médecine occidentale à la médecine traditionnelle en fonction des pathologies, devrait, à terme, fonctionner sur le principe d'un système mutualiste familial volontaire, donnant droit aux consultations et aux soins gratuits, et offrant la possibilité d'acheter des médicaments à faible prix, selon l'initiative dite de Bamako.

Endiguer les épidémies

Des tournées du personnel médical sont aussi prévues dans les campements. Près de cinq cents familles réunies autour de douze puits pastoraux seraient susceptibles d'en bénéficier. Des formations à l'hygiène et aux premiers secours sont déjà en place : « Il s'agit de transmettre aux nomades des techniques de base : la désinfection systématique des plaies causées par les épines d'acacia, la conduite à tenir devant une fièvre, abusivement considérée comme liée à un accès palustre, les soins destinés à éviter les complications liées à l'accouchement, etc. » L'équipe médicale itinérante a pour vocation d'aider ces populations à faire face et peut-être même à limiter les conséquences des grandes épidémies, de rougeole, par exemple, ou même de bronchites qui, dans ce pays, peuvent prendre des proportions dramatiques. « Aujourd'hui, nous commençons également à parler de contraception, souligne cette infirmière, qui revient d'une mission sur le terrain, et j'en suis ravie, parce que la demande vient des femmes elles-mêmes. »
Avec un investissement de 18 450 euros, cette action nécessitera encore 5 000 euros par an en frais de fonctionnement et sera soutenue jusqu'à l'obtention d'une autonomie financière, attendue d'ici à trois ans. L'association Touaregs, qui compte trois cents adhérents, le double de « sympathisants » et quelques partenaires financiers, a engagé de nombreux autres projets, notamment pour la création de puits pastoraux - 39 % de la population est toujours privée d'eau potable - et d'autres orientés vers la scolarisation des enfants qui vivent en brousse - avec 85 % d'analphabètes chez les adultes, le Niger compte aussi parmi les cinq pays du monde les moins développés en matière d'éducation primaire.

* Touaregs, 50, rue Saint-Sabin, 75011 Paris, tél./fax 01.43.38.47.15.

Trois médecins pour cent mille habitants

Au Niger, le total des dépenses annuelles de santé par habitant s'élève à 22 euros, soit un tout petit peu plus que le montant d'une simple consultation chez un généraliste en France... Dans ce pays, qui ne consacre pas plus de 4 % de son PIB aux dépenses de santé, il y a une carence évidente en personnel soignant, avec 3 médecins pour cent mille habitants (source OMS), majoritairement installés en zone urbaine. Or 70 % de la population vit en zone rurale et n'a donc pas accès aux soins. Résultat, le Niger possède le taux de mortalité infanto-juvénile le plus élevé au monde, soit 324 pour mille, un taux de malnutrition des enfants de moins de 5 ans de 34 % en milieu rural et une espérance de vie qui ne dépasse pas 47 ans pour les hommes et 50 ans pour les femmes.

Caroline FAESCH

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7309