Le monde de la santé a battu le pavé

A Paris, des blouses blanches sur le bitume gris pour défendre leur retraite

Publié le 09/09/2010
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S TOUBON

LE RENDEZ-VOUS était fixé à 13 heures, métro Filles du calvaire. Ils sont venus en tenue de bloc : impossible de rater les anesthésistes réanimateurs et les infirmiers anesthésistes (IADES) mardi dans le défilé parisien. « Reconnaissance du travail de nuit pour la retraite », peut-on lire sur une large banderole.

« La pénibilité, c’est notre seule marge de manœuvre, commente un urgentiste de l’hôpital Beaujon, le Dr Alexis Burnod. Bien sûr que les retraites sont un problème. Mais nous faisons déjà des concessions. J’ai 37 ans. Quand je prendrai ma retraite, je toucherai 30 % de moins qu’un PH partant aujourd’hui à la retraite.  ». Le Dr Jean-Louis Chabernaud, président du syndicat national des pédiatres hospitaliers, opine du chef. « La pénibilité du travail de nuit doit absolument être reconnue. Des pistes sont possibles, le gouvernement doit accepter d’ouvrir des négociations ».

Le président de la région, Jean-Paul Huchon, fait une halte devant les IADES. Il déclare : « Voilà bien une profession dont on ne peut pas dire qu’elle n’est pas pénible. Vous avez raison de revendiquer sur ce point, et vous pouvez compter sur mon soutien ». Bruno Franceschi, IADE affilié à la CGT, résume la colère de ses collègues : « Soixante dix gardes par an, c’est trois à quatre ans de travail de nuit dans une vie. Avec à la clé des problèmes cardiovasculaires, des troubles du sommeil, une augmentation de l’incidence de certains cancers. On ne peut pas traiter quelqu’un qui a travaillé toute sa vie de 9h à 17h dans un bureau comme quelqu’un qui a connu l’alternance du rythme jour/nuit. Le gouvernement doit nous entendre. Un IADE touche une pension de 1 800 euros après 40 ans de travail : on est loin des aristocrates que décrivait Madame Bachelot au printemps dernier ».

Yann Le Floch, IADE au CH de Villeneuve Saint Georges, estime « se faire avoir sur les deux tableaux » : « Avec la loi HPST, on a perdu le droit de partir à 55 ans ainsi que le droit d’avoir une bonification d’un an pour dix ans de travail. On sait qu’on va être obligé de cotiser plus longtemps, mais on veut la reconnaissance de la pénibilité de notre travail. Une heure de travail de nuit nous est payée 1,07 euro de plus. C’est tout sauf intéressant ». Un médecin anesthésiste proche de la soixantaine justifie sa présence sur le bitume avec cette question : « Accepteriez-vous de vous faire anesthésier par un toubib de 67 ans pour une grosse intervention abdominale ? On marche sur la tête avec de telles propositions. Ce gouvernement part en quenouille ».« Ne nous laissons pas anesthésier. Défendons notre retraite », entonne une IADE au micro. Le cortège s’ébranle. Les postiers et les profs, au coude à coude avec les blouses blanches, donnent de la voix. Leurs slogans défilent. « Partageons les richesses et les emplois ».« 37,5 pour tous ». Les visages d’Eric Wœrth et Liliane Bettencourt s’affichent partout, ainsi légendés : « Défendons notre retraite, parce que nous le valons bien ».

D’après le ministère de la Santé, le taux national de grévistes dans la fonction publique hospitalière a atteint 17,06 % mardi, et 9,5 % à l’AP-HP.

› D. CH.


Source : Le Quotidien du Médecin: 8811