CES SYMPTÔMES surviennent aussi bien quand il lit en silence qu’à haute voix. Et, justement, quand il lit à haute voix, il se met à bégayer. Des manifestations similaires surviennent quand il enseigne, quand il soutient une conversation, mais jamais quand il chante, ni quand il parle « sans réfléchir ». Il attribue ses troubles à une anxiété et, sous le contrôle d’un psychiatre, prend de l’alprazolam. Ce qui, toutefois, ne lui fait rien. Un an plus, tard, les choses s’aggravent : quand il se met à écrire, son bras est pris de secousses ; ce qui fait qu’il ne peut plus écrire au-delà de quelques lignes. Tout cela retentit sur son travail et sa vie sociale et il perd son travail.
Il n’a pas d’antécédent particulier. À noter que son frère a eu des convulsions fébriles.
On évoque les diagnostics d’épilepsie primaire de la lecture, de tics, de bégaiement primitif. On fait un enregistrement vidéo-encéphalographique continu. Le tracé de base est normal. Mais quand il se met à lire, on voit que les muscles de la mâchoire se tendent. À la poursuite de la lecture, il se met à bégayer. L’EEG montre des décharges rudimentaires sous forme de pointes-ondes généralisées, avec des artefacts myogéniques. Puis, quand le sujet se met à écrire, on constate des secousses myocloniques de son bras droit et l’on enregistre des décharges pointes-ondes médianes et fronto-centrales gauches.
On fait faire d’autres taches au patient mais elles ne déclenchent pas de mouvements myocloniques.
L’IRM cérébrale est normale.
Un traitement par valproate de sodium est mis en route. Lorsque le patient est vu pour la dernière fois, en septembre 2010, il rapporte une amélioration notable de ses symptômes et de sa qualité de vie.
Épilepsie de la lecture.
« Le cas de notre patient constitue une description classique d’épilepsie primaire de la lecture, un des types les plus importants des épilepsies réflexes complexes », indiquent les auteurs.
L’épilepsie de la lecture commence en général dans l’adolescence. Son incidence et sa fréquence sont inconnues. Les patients décrivent des secousses, voire des cliquetis de la mâchoire ou encore des mouvements des muscles oro-faciaux, qui provoquent un aspect de bégaiement au bout de quelque temps ; ce qui constitue une épilepsie partielle ou une myoclonie localisée. Si la lecture est poursuivie, la crise peut se généraliser. En l’absence de généralisation, comme chez ce patient, le trouble peut rester inexpliqué pendant des années.
Les crises peuvent aussi être déclenchées par une conversation argumentée, le calcul, le fait de reproduire des figures, de jouer du piano, de disputer une partie d’échecs, une partie de cartes, de faire un puzzle. Le langage est en revanche rarement un élément déclencheur. Le développement dans l’enfance, l’examen neurologique et neuropsychologique et l’imagerie cérébrale sont normaux.
Une histoire familiale de convulsions ou d’épilepsie de la lecture est présente dans près d’un tiers des cas.
L’enregistrement vidéo-encéphalographique, en demandant au patient d’exécuter des taches déclenchantes, permet de faire le diagnostic.
Bien que les mécanismes physiopathologiques de l’épilepsie de la lecture soient peu compris, une étude réalisée en 2009 avec EEG, électromyographie et IRM fonctionnelle a montré l’activation de plusieurs aires corticales et sous-corticales associées à la lecture. La plupart des patients apprennent à éviter une crise généralisée en reconnaissant très tôt les symptômes orofaciaux et en arrêtant de lire dès qu’ils surviennent.
Des anti-épileptique à large spectre comme le valproate de sodium et le levetiracetam peuvent abaisser le seuil de déclenchement de l’épilepsie. « Le cas de notre patient, indiquent les auteurs, suggère que l’épilepsie de la lecture sans convulsions généralisées est plus fréquente qu’on ne le croit en pratique. »
Neeraj Baheti et coll. The Lancet du 2 avril 2011, p. 1210.
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