Partout en cancérologie, les nouveautés viennent principalement des États-Unis, même si la France s’enorgueillit de sa première place européenne (talonnée de près par l’Allemagne et l’Espagne) à l’ASCO, avec 442 communications présentées (sur 4 883) dont 24 seulement ont bénéficié d’un soutien financier public (PHRC ou INCA).
« C’est de plus en plus dur de faire des études institutionnelles. En raison des aspects administratifs, mais surtout financiers. Face au rythme imposé par la sortie permanente de nouvelles molécules, on a à peine le temps de créer une nouvelle étude indépendante que la question posée a déjà trouvé une réponse, que de nouvelles drogues sont disponibles, une course que l’intergroupe francophone du myélome (IFM) parvient tout de même à suivre », explique le Dr Sylvain Choquet (La Pitié-Salpêtrière, Paris), précisant que même dans le domaine en thérapie cellulaire, des laboratoires commencent à investir et proposer des manipulations cellulaires ad hoc, des anticorps chimériques modifiés.
SIRIUS pose une option chez des patients lourdement prétraités
En quatrième ligne de myélome multiple, les résultats intermédiaires de SIRIUS ont fait impression en late breaking (1). Cet essai international en ouvert de phase II évalue le daratumumab (anti-CD38) en monothérapie, chez des patients lourdement prétraités ou réfractaires aux inhibiteurs de protéasome et immunomodulateurs.
Les résultats sur 106 patients ayant reçu un protocole à 16 mg/kg ont été présentés. Alors qu’ils avaient déjà reçu en médiane cinq molécules, leur survie à un an est de 66 % et la médiane de survie globale n’est pas atteinte, après une médiane de suivi de 9,4 mois. Critère principal de l’étude, la réponse globale est de 29,2 % (3 réponses complètes, 18 partielles, 10 très bons partielles). La survie sans progression (SSP) est de 3,7 mois et la durée de réponse médiane de 7,4 mois. « Ce n’est pas très long, certes, mais ces résultats sont très excitants compte tenu du profil de ces patients, au très mauvais pronostic et à qui il ne reste plus d’option thérapeutique », explique le Dr Sylvain Choquet.
Le profil de sécurité est favorable, avec toutefois 5 % de toxicité de grade III à la perfusion.
Le daratumumab est actuellement testé à tous les stades de la maladie, selon différents protocoles. « À Nantes, il sera étudié en première ligne, en association », note le Dr Choquet.
ENDEAVOR lance l’attaque intraclasse
Du moment qu’ils n’ont pas la même cible, il n’y a pas vraiment de rationnel à comparer les anticorps, les protocoles allant davantage vers des associations et regroupements. Mais, pour le carfilzomib et le bortezomib, qui ciblent tous deux le protéasome, « un seul subsistera », prédit le Dr Choquet.
La guerre de classe a commencé pour ces molécules, avec l’étude internationale de phase III ENDEAVOR, qui montre dans le myélome en rechute un bénéfice significatif sur la SSP du carfilzomib comparé au bortezomib, tous deux en association à la dexaméthasone : 18,7 versus 9,4 mois, HR = 0,53, p › 0,001 (2). Ce protocole jusqu’à progression a randomisé 929 patients, qui pouvaient être prétraités avec ces anticorps, mais depuis plus de 6 mois. Les réponses sont respectivement de 76,9 versus 62,6 % et les réponses complètes (RC) de 12,5 versus 6,2 %. La survie du bortezomib dépendra peut être d’un profil de tolérance différent entre ces deux frères ennemis.
ELOQUENT vise la moindre toxicité
L’elotuzumab (anti-SLAMF7) avait déjà montré des résultats préliminaires encourageants en association avec le lenalidomide ainsi qu’avec le bordezomib. Il cible une protéine, CS1, alias SLAMF7, alias CD319, qui est exprimée fortement et uniformément sur les plasmocytes du myélome,. Le mécanisme d’action passerait par les cellules natural killer, ce qui suggère que leur activité serait importante quant à la réponse à cet anticorps.
ELOQUENT-2, une étude de phase III dans le myélome en rechute ou réfractaire, l’a testé versus placebo en association à un protocole comportant lenalidomide et dexaméthasone chez 646 patients (3). Pour une toxicité identique, la SSP a été respectivement de 19,4 versus 14,9 mois. A deux ans, 41 versus 37 % étaient en situation de SSP, soit une réduction cliniquement significative du risque de décès ou de progression de 30 %. La réponse globale a été de 79 versus 66 %.
« Ce nouveau mécanisme promettait peu de toxicité, ce qui semble tenu pour l’instant, mais nous restons vigilants en l’attente d’autres données, car les anticorps en général ont tout de même leur toxicité, et la localisation de la cible ne fait pas tout », rappelle Sylvain Choquet, citant par exemple le cas des anti-CD20.
Frapper fort dès la première ligne…
En première ligne, un essai américain de phase II s’est intéressé aux réponses complètes strictes (RCs) du protocole KRd, en y ajoutant une autogreffe (4). En effet, ce protocole – qui associe carfilzomib, lenalidomide et dexaméthasone – avait montré précédemment de bons résultats dans ce contexte, avec 55 % de RCs, 76 % de SSP et 96 % de survie globale à 3 ans. « Il s’agit donc, peu ou prou, d’associer dès la première ligne, tout ce qui marche », résume le Dr Choquet.
Huit cycles ont été prévus, avec l’autogreffe après le quatrième, suivis de 10 cycles avec un protocole KRd modifié, et enfin lenalidomide seul. 53 patients ont été inclus, et pour l’instant, 49 ont fini l’induction, 41 la transplantation, 23 la consolidation et 7 ont fini les 18 cycles de KRd.
La greffe apporte bien un bénéfice supplémentaire, avec 86 % de RCs et 100 % de patients au moins en très bonne réponse partielle. Après un suivi de 9,7 mois, tous les patients étaient vivants et 52/53 sans progression.
Les toxicités de grade 3-4 étaient 50 % de lymphopénies et 21 % de neutropénies.
… mais ensuite ?
« Nous sommes impressionnés mais pas convaincus, analyse le Dr Choquet. Cette "total therapy" fournit de très bons résultats en première ligne, mais ensuite, pour ceux qui rechutent ? On n’a quasiment plus rien ! Or la vraie nécessité, c’est de prolonger le patient dans les meilleures conditions possibles. L’attitude inverse consiste donc à étaler les séquences de traitement. Et si l’on regarde à plus long terme, elle sera peut-être gagnante ».
Étant donnée l’évolution du pool de patients « C’est aussi une volonté des laboratoires de passer tous en première ligne », prévient le Dr Choquet. Avec moins de 200 patients, pas de quoi aujourd’hui changer de stratégie. « On peut aussi imaginer pouvoir guérir certains patients sous total therapy, mais combien et lesquels ? En face, les stratégies thérapeutiques d’entretien de cette maladie chronique apparaissent sous un jour nouveau avec la diminution des toxicités : on peut prolonger un traitement toléré pour retarder la rechute ».
(1) ASCO 2015. Abs LBA8512
(2) ibid. abs 8509
(3) ibid. Abs 8508
(4) ibid. Abs 8510
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