Depuis les années 1980, les effets tératogènes du valproate de sodium (VPA) ont été mis en évidence, dominés par les pathologies de fermeture du tube neural, les dysmorphies faciales, les fentes labiopalatines, les craniosténoses (1). Le risque d’avoir un enfant affecté par ces malformations est de 10,7 % chez la femme sous VPA, comparativement à 7,1 % chez la femme épileptique en général et à 2,3 % chez la femme saine (2). Le VPA est la molécule associée à la prévalence de malformations la plus élevée, suivie par le phénobarbital et le topiramate. Ce risque tératogène apparaît plus important si l’enfant est exposé précocement au cours de la grossesse mais existe tout le long de la grossesse (craniosténose). Il est également dépendant de la posologie administrée. Ainsi le risque minimal (4,3 %) a été évalué à des posologies ≤ 500 mg/j (3).
La mise en évidence de troubles neuro-dévelopementaux est plus complexe et suppose un suivi des enfants exposés lors de leur développement neurocognitif. Si les premières observations de retard de développement remontent aux années 2000, il faut attendre 2009 pour obtenir des données issues d’études spécifiquement dédiées à cette problématique. Actuellement, il est clairement établi que le QI des enfants exposés au VPA est plus faible (en moyenne de 8 à 11 points à l’âge de 6 ans) que celui des enfants exposés aux autres antiépileptiques (4). Cette atteinte semble également dose-dépendante, néanmoins aucune dose, même minime, n’est sans risque. Il est important de souligner que peu de données sont encore disponibles sur le devenir cognitif des enfants exposés aux nouveaux antiépileptiques. La comparaison VPA et nouveaux antiépileptiques est donc actuellement impossible. Par ailleurs, de plus en plus d’éléments suggèrent une association significative entre l’exposition in utero au VPA et l’augmentation du risque de trouble de déficit de l’attention/hyperactivité, d’autisme ou d’anomalie du spectre autistique (5). L’étude la plus robuste observe que la population exposée est à risque de développer 1,7 fois plus d’anomalies du spectre autistique et 2,9 fois plus d’autisme (6).
Risques des traitements alternatifs du VPA dans l'épilepsie généralisée idiopathique
Devant les risques induits par le VPA chez la femme enceinte, l’utilisation de molécules alternatives doit être discutée. Mais certains médicaments alternatifs peuvent retarder ou aggraver le contrôle de l’épilepsie du fait d’un manque d’efficacité. Le délai d’efficacité thérapeutique et l’augmentation de la fréquence des crises sont alors responsables d’un risque accru de traumatismes et de mort subite (risque de SUDEP multipié par 3) [7]. Par ailleurs, ce mauvais contrôle de l’épilepsie accentue le risque d’isolement social et de difficultés d’intégration scolaire et professionnelle. Chez la femme enceinte, le mauvais contrôle de l’épilepsie s’associe à un risque fœtal surajouté. La survenue de crises généralisées tonicocloniques répétées augmente le risque d’incidence de troubles neuro-dévelopementaux chez les enfants (8). Par ailleurs, des morts in utero ont été décrites à la suite de chute induite par des crises tonicocloniques survenant durant la grossesse.
Recommandations actuelles
Devant l’évidence des risques tératogènes et neuro-développementaux chez les enfants exposés in utero au VPA, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute Autorité de santé (HAS) ont édicté de nouvelles recommandations de prescription en mai et novembre 2015 (9) qui reposent sur deux grands principes : 1/ l’épilepsie doit être bien équilibrée tout au long de la grossesse ; 2/ toutes les mesures doivent être prises pour éviter une grossesse sous VPA. L’évaluation de l’arrêt, de la substitution, de l’introduction ou du maintien du VPA repose sur une analyse précise de la balance bénéfices/risques spécifique à chaque patiente. Cette évaluation doit se faire en urgence chez toute femme présentant une grossesse évolutive.
La prescription de novo de VPA et sa reconduction annuelle ne peuvent être réalisée que par un spécialiste (neurologue, pédiatre ou psychiatre). Une information claire sur les risques encourus durant la grossesse doit être fournie par le spécialiste. Un formulaire d’accord des soins doit être signé par le spécialiste en charge de la mise en place du traitement et par la patiente ou son représentant légal avant toute prescription, la pharmacie ne pouvant délivrer le médicament que sur présentation de ce document signé.
Les risques tératogènes et neuro-développementaux induit par l’exposition in utero au VPA sont actuellement clairement établis. Le VPA doit impérativement être évité chez toute femme en âge de procréer. Dans certains cas, néanmoins, l’utilisation de molécules alternatives ne permet pas le contrôle de l’épilepsie, le VPA peut alors être maintenu à la dose la plus faible possible. Cette analyse du bénéfice/risque spécifique à chaque patiente doit être menée par un spécialiste. Ce dernier à la responsabilité d’exposer à la patiente l’ensemble des options thérapeutiques possibles avec leurs risques et bénéfices sur l’équilibre maternel épileptique et sur le développement fœtal. En 2014, encore 1 333 grossesses ont été commencées sous VPA et en 2016, 51 512 femmes en âge de procréer sont encore exposées au VPA (10). Afin d’optimiser le contrôle de ces prescriptions, il est nécessaire de donner un accès aux soins facilité à cette population en organisant la filière de soins épilepsie sur l’ensemble du territoire français.
(1) Tomson T, Battino D. Teratogenic effects of antiepileptic drugs. Lancet Neurol 2012;11:803–13
(2) Meador K, Reynolds MW, Crean S, et al. Pregnancy outcomes in women with epilepsy: a systematic review and meta-analysis of published pregnancy registries and cohorts. Epilepsy Res 2008;81:1–13
(3) Hernandez-Diaz S, Smith CR, Shen A, et al. Comparative safety of antiepileptic drugs during pregnancy. Neurology 2012;78:1692–9
(4) Meador KJ, Baker GA, Browning N, et al. Fetal antiepileptic drug exposure and cognitive outcomes at age 6 years (NEAD study): a prospective observational study. Lancet Neurol 2013;12:244–52
(5) Meador KJ, Loring D. Developmental effects of antiepileptic drugs and the need for improved regulations. Neurology 2016 Jan 19;86:297-306
(6) Christensen J, Gr nborg TK, S rensen MJ, et al. Prenatal valproate exposure and risk of autism spectrum disorders and childhood autism. JAMA 2013;309:1696–1703.
(7) Hesdorffer DC, Tomson T, Benn E, et al. Combined analysis of risk factors for SUDEP. Epilepsia 2011;52:1150–9
(8) Cummings C, Stewart M, Stevenson M, et al. Neurodevelopment of children exposed in utero to lamotrigine, sodium valproate and carbamazepine. Arch Dis Child 2011;96:643–7
(9) Recommandations disponibles sur : http://ansm.sante.fr et https://www.has-sante.fr
(10) Exposition à l’acide valproïque et ses dérivés au cours de la grossesse en France de 2007 à 2014 : une étude observationnelle sur les données du SNIIRAM. Rapport ANSM aout 2016.
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