COMME LE précisent les recommandations de l’ESH publiées en 2007 : « le traitement d’une hypertension artérielle rénovasculaire reste un sujet controversé. On dispose de peu d’études à grande échelle et à long terme permettant de comparer différentes approches thérapeutiques, et il est difficile de prédire chez un individu la réponse de la pression artérielle à une revascularisation. »
Les études effectuées avant 2009 sont peu nombreuses, concernent de petits effectifs, et ont pour critère de jugement principal le devenir tensionnel après quelques mois de suivi. Une méta-analyse parue en 2003 regroupe les résultats des 3 principaux essais publiés entre 1998 et 2000, comparant le traitement des sténoses de l’artère rénale par angioplastie, avec ou sans stent, au traitement médicamenteux seul. Dans l’ensemble, la différence de pression artérielle finale entre les patients traités par dilatation et ceux traités par le traitement médical était minime, et seule une minorité de patients dilatés ont pu arrêter leur traitement médical après dilatation (systolique : -6.3 mmHg IC 95 % [-11.7, -0.8], P = 0.02 ; diastolique : -3.3 mmHg IC 95 % [-6.2, -0.4], P = 0.03) [Ives]. En revanche, le score de traitement, c’est-à-dire le nombre de médicaments requis pour contrôler la pression artérielle correctement, était significativement plus bas après dilatation. Ceci est un avantage clair de la dilatation chez les patients ayant une hypertension résistante au traitement. La méta-analyse échoue à montrer une différence significative entre les deux groupes sur les taux de créatinine sérique, mais ces études n’étaient pas dimensionnées pour explorer cet objectif rénal.
Absence de bénéfice rénal démontré.
L’étude ASTRAL (Angioplasty and STent for Renal Artery Lesions) est l’étude de la plus grande envergure publiée à ce jour sur le traitement par angioplastie des sténoses de l’artère rénale, avec un suivi allant jusqu’à 5 ans. Plus de 800 patients présentant une sténose athéromateuse unie ou bilatérale de l’artère rénale, et pour lesquels le choix de la revascularisation ne s’imposait pas de façon évidente à leur praticien (excluant donc les patients pour lesquels l’indication apparaissait impérative, notion cependant des plus floues, compte tenu de l’absence de preuves de niveau suffisant…), ont été randomisés en deux groupes : revascularisation avec ou sans angiostenting associée à un traitement médicamenteux ou traitement médicamenteux seul. Les patients recrutés avaient un âge moyen de 70 ans, avaient en moyenne un degré de sténose de 75 %, et une insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine 40 ml/min).
Le critère de jugement principal était le taux de progression de l’insuffisance rénale. Lors du suivi, le taux de détérioration de la fonction rénale est apparu faible, sans différence significative entre les deux bras de traitement. Cette absence de différence significative est également retrouvée pour les critères de jugement secondaires de l’étude : pression artérielle, survenue d’un premier événement rénal, survenue d’un événement cardio-vasculaire majeur ou décès. Les résultats sont similaires quelle que soit l’analyse de sous-groupe effectuée : en fonction du niveau d’atteinte rénale, du degré de sténose, de la longueur des reins ou de l’existence ou non d’une aggravation rapide de l’insuffisance rénale. En revanche, il existe un surrisque de complications dans le groupe angioplastie. Une complication liée à l’angioplastie est survenue chez 38 des 335 patients revascularisés, incluant 31 complications sévères (dont 4 perforations et 4 thromboses de l’artère rénale, 3 amputations d’orteils ou de jambe suite à des embolies de cholestérol et 2 décès). Le rapport bénéfice risque de l’angioplastie « en l’absence d’indication évidente de l’angioplastie » est donc défavorable.
Études ASTRAL et STAR : des résultats concordants.
Les constatations rénales de l’étude ASTRAL corroborent les résultats récents déjà observés obtenus dans l’étude STAR (STent placement in Atherosclerotic ostial Renal artery stenosis), publiée également en 2009 par Bax et col dans Annals of Internal Medicine.
Une troisième grande étude, l’étude CORAL est actuellement en cours d’inclusion. Elle recrute des patients présentant une sténose de l’artère rénale › 50 %, avec une pression artérielle systolique › 155 mmHg malgré plus de deux traitements anti-hypertenseurs dont un ARAII (donc une majorité de patients avec HTA résistante).
Actuellement, quelle place reste-t-il au dépistage et à l’angioplastie des sténoses des artères rénales ? On peut estimer, que dans certaines situations cliniques non prises en compte dans les protocoles de ces études, le rapport bénéfice/risque n’est pas précisément connu, mais semble plus en faveur de l’angioplastie. Il est donc licite de proposer un dépistage. Il s’agit de l’hypertension résistante au traitement médicamenteux, comme cela est indiqué dans les recommandations de l’ESH de 2007, ainsi que les OAP flash et la constatation d’une dégradation brutale de la fonction rénale sous IEC ou ARAII. En revanche, la néphroprotection en dehors de ces situations ne semble pas être une indication justifiée au vu des résultats récents, du moins pour des patients comparables à ceux de ces études.
Les progrès techniques réalisés ces dernières années dans le domaine de l’angioplastie et l’entraînement des opérateurs justifient cependant une réévaluation continue et laissent espérer une réduction du risque de complications à court terme, susceptible de modifier le rapport bénéfice-risque, y compris pour les populations comparables à celles récemment évaluées dans ASTRAL et STAR.
D’après un entretien avec le Dr Patrick Rossignol, thérapeute et néphrologue au Centre d’Investigation Clinique et Consultation multidisciplinaire d’Hypertension artérielle du CHU de Nancy.
Ref :
-Recommandations ESH 2007 pour la prise en charge de l’hypertension artérielle. Journal of Hypertension 2007 ; 25 : 1005-87.
-Ives NJ. et al. Nephrol Dial Transplant (2003) 18: 298–304
-The ASTRAL investigators. NEJM 2009 ; 361:1953-62.
-Bax Let al.. Ann Int Med 2009 ; 150 (12) : 840-48.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature