Chez les plus de 60 ans (1), l’épilepsie a une incidence (2,4/1 000/an) et une prévalence (10,8/1 000) deux fois plus élevées que celles de la population générale. Ces chiffres sont décuplés dans la population institutionnalisée (incidence 16/1000, prévalence 60/1 000). Par ailleurs, l’épilepsie est source d’une morbidité importante à cet âge, les complications dominant souvent le tableau clinique. L’épilepsie est notamment fortement associée à l’exacerbation des troubles cognitifs (2), ceux-ci pouvant être la conséquence de crises répétées sur un cerveau lésé mais également être les témoins d’une pathologie neurodégénérative encore ignorée (maladie d’Alzheimer, maladie à corps de Lewy).
La prise en charge de cette pathologie est ainsi de fait une problématique de santé publique. Le raisonnement diagnostique et thérapeutique est néanmoins distinct de celui appliqué chez le sujet jeune. Du fait d’une forte intrication entre comorbidités et épilepsie, il n’y a pas lieu de raisonner en syndromes épileptiques. Les causes de cette épilepsie sont principalement en lien avec les séquelles vasculaires, une atteinte tumorale ou post-traumatique ou encore une pathologie neurodégénérative sous-jacente. En dehors des causes lésionnelles, le risque d’épilepsie par diminution du seuil épileptogène augmente avec les effets de la polymédication et avec la diminution des performances métaboliques.
Confusion, ruptures de contact…
La sémiologie des crises est différente de celle des sujets plus jeunes sur laquelle s’est bâtie notre connaissance de l’épilepsie. La symptomatologie est volontiers appauvrie avec une limitation des signes moteurs (toniques et cloniques). La crise se traduit le plus souvent par une confusion prolongée inhabituelle, des ruptures de contact itératives, des chutes inexpliquées. Les crises prennent parfois des aspects plus déroutants : altération cognitive chronique amnésiante atypique, ictus amnésique atypique ou amnésie épileptique transitoire, déficits transitoires à type d’aphasie et de déficit sensitivomoteur orientant à tort vers une pathologie vasculaire. L’existence de facteurs de risque vasculaires fréquents à cet âge complique le diagnostic. La répétition stéréotypée de ces évènements doit faire évoquer le diagnostic d’épilepsie et réorienter les explorations. Devant cette symptomatologie frustre, la description des crises par l’entourage reste peu spécifique. L’EEG standard est peu rentable (3) au contraire de l’enregistrement vidéo-EEG de longue durée (avec au moins une période de sommeil) qui semble actuellement être l’examen le plus pertinent lorsqu’il est accessible. L’enregistrement de crises ou simplement d’anomalies intercritiques dont la localisation permet d’expliquer la symptomatologie doit faire retenir le diagnostic. L’absence d’anomalie n’exclut pas le diagnostic, et si la suspicion est forte, un traitement d’épreuve antiépileptique peut être préconisé.
L’épilepsie du sujet âgé, quelle que soit son étiologie est généralement pharmacosensible. Une simple monothérapie à faible dose est suffisante, la mise en place devant être lente et progressive (4). La difficulté réside dans le choix de la molécule du fait des comorbidités quasi-systématiques à cet âge et tient également au risque de mauvaise tolérance. Les molécules à privilégier du fait de leur bonne tolérance démontrée sont la lamotrigine, le lévétiracétam ou récemment la lacosamide et l’eslicarbazépine (AMM en monothérapie en cours).
La prise en charge de l’épilepsie des plus de 60 ans est donc essentielle, le traitement étant dans la plupart des cas efficace et peu iatrogène s’il est bien choisi. Le bénéfice est direct avec une réduction des complications traumatiques, cognitives et psychiatriques. Son diagnostic reste néanmoins difficile et nécessite d’y être sensibilisé.
CHU Nancy
(1) Faught E et al. Neurology 2012;78:448–53
(2) Breuera L et al. Neuroscience and Biobehavioral Reviews 2016;64:1–11
(3) McBride AE et al. Epilepsia 2002;43:165–9
(4) Ferlazzoa E et al. Pharmacological Research 2016;106:21–6
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