LE QUOTIDIEN : Faut-il aborder l’observance en consultation ?
Pr MEYER ELBAZ : Certains sont agressifs et disent : « J’ai arrêté la statine. C’est décrié. » Ils remettent en cause notre avis éclairé de médecin. Ce phénomène de société est amplifié par le buzz médiatique sur les « dangers » des statines. D’autres, déstabilisés, se taisent… mais leur taux de LDL est élevé. N’hésitons pas à aborder la non-observance, tant en prévention primaire si l’indication est avérée qu’en prévention secondaire où il y a de 70 à 80 % de dyslipidémies.
Le patient doit comprendre que la prescription est raisonnée. La salle d’attente va s’encombrer, mais acceptons une consultation plus longue. Reprenons les facteurs de risque, le tabac, le caractère génétique de l’hypercholestérolémie et une diététique insuffisante. Expliquons la convergence d’intérêt du discours déstabilisateur des tutelles (les statines coûtant 1,2 milliard d’euros par an, elles refusent l’AMM aux inhibiteurs de PCSK9 même dans l’indication de très haut risque), des médias (le sujet est vendeur) et de certains médecins qui flirtent avec le charlatanisme.
Quels arguments face au patient déstabilisé ?
Les recommandations des sociétés savantes internationales convergent (2, 3). La HAS (4) les a rejointes en février 2017. Sauf complot mondial, pourquoi recommanderaient-elles des médicaments toxiques ? De très nombreuses études institutionnelles montrent que les statines font fortement baisser la morbimortalité et sont bien tolérées.
Est-il logique de reprocher les études insuffisantes et les décès liés au médiator et de refuser de tenir compte des données sur un nombre phénoménal de patients qui toutes montrent l’impact des statines sur la morbimortalité ? Le cholestérol est un facteur de risque cardiovasculaire ; le nier est dangereux !
En prévention primaire, l’indication doit être intégrée au risque cardiovasculaire global en n’hésitant pas à utiliser des échelles de score. Le risque cardiovasculaire est moindre en France que dans les pays anglo-saxons. En revanche, en prévention secondaire, les patients doivent être systématiquement considérés comme à très haut risque cardiovasculaire et traités comme tels, avec des objectifs de LDL-cholestérol inférieurs à 0,70 g/L. Le niveau de preuve de l’intérêt des statines est très élevé. Le patient doit prendre sa statine !
Que faire en cas de myalgies ?
Les effets indésirables sont proportionnels à la dose utilisée, parfois trop élevée. Les rhabdomyolyses réelles sont rares, initiales ou liées à des interactions médicamenteuses. Vérifions les ordonnances, et si besoin les CPK !
Par contre, de 5 à 10 % des patients ont des myalgies sans rhabdomyolyse. Devant des douleurs évocatrices (crampes, pesanteurs bilatérales, proximales des membres inférieurs, souvent au début du traitement), il faut utiliser les tables d’imputabilité (5) si le patient est réceptif, ou proposer une fenêtre thérapeutique de quinze jours : elle innocentera la statine si les douleurs persistent, et l’incriminera si elles disparaissent. Dans ce cas, si le LDL-cholestérol réaugmente malgré la diététique, on peut envisager de changer de molécule ou de posologie, passer à un jour sur deux, voire prescrire l’ézétimibe, moins efficace.
Rappelons que les statines sont des produits de levures naturelles ou synthétiques, et que la levure de riz rouge provoque aussi des myalgies (d’autant qu’il n’y a le plus souvent pas de titration).
(1) Saib A et al. Arch Cardiovasc Dis 2013;196(10):511-6
(2) Catapano AL et al. Eur Heart J 2016;37(39):2999-3058 (ESC/EAS Guidelines)
(3) Rabae S et al. BMJ 2014;349:g4356 (NICE Guidelines)
(4) Principales dyslipidémies : stratégies de prise en charge (HAS, février 2017)
(5) Rosenson RS et al. J Clin Lipidol 2014;8(3 Suppl):S58-71
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