« C’est la première fois qu’une thérapie génique, basée sur des cellules souches génétiquement modifiées, est testée dans un essai clinique multicentrique, international qui montre un effet thérapeutique reproductible et durable, dans différents centres et différents pays », s’est réjoui Fulvio Mavilio, directeur scientifique du laboratoire Généthon, promoteur de l’étude de phase I/II lancée en 2010 à Paris et à Londres. Les équipes du CIC Biothérapies (AP- HP/INSERM) et du service d’immunologie-hématologie pédiatrique de l’hôpital Necker Enfants-Malades (AP-HP) et les équipes de l’University College of London et du Great Ormond Street Hospital (Londres) ont cherché à évaluer la faisabilité et l’efficacité de la thérapie génique dans une pathologie rare dont la prévalence est estimée à 1/250 000, le syndrome de Wiskott-Aldrich.
Il s’agit d’un déficit immunitaire complexe d’origine génétique, lié au chromosome X, touchant essentiellement des garçons. La maladie due à des mutations du gène codant la protéine WAS (WASp) exprimée dans les cellules hématopoïétiques, se caractérise par une thrombocytopénie avec hémorragies (pétéchies, ecchymoses, purpura, épistaxis, saignements buccaux, intracrâniens, diarrhées sanglantes), des infections graves répétées, un eczéma sévère et, chez certains patients, la survenue de maladies auto-immunes et la survenue de cancers (lymphomes). Le seul traitement curatif disponible à ce jour est la greffe de moelle osseuse qui nécessite un donneur compatible.
Un décès
L’étude du « JAMA » a concerné des patients sévèrement atteints, sans donneur compatible. Les chercheurs ont prélevé chez les malades des cellules souches hématopoïétiques (CSHs) porteuses de l’anomalie génétique. Ces dernières ont pu ensuite être corrigées en introduisant le gène WAS sain grâce à un vecteur lentiviral développé et produit par Généthon. Les cellules corrigées sont alors réinjectées aux malades qui, préalablement ont reçu une chimiothérapie (conditionnement myéloablatif) afin d’éliminer leurs cellules souches malades.
Les résultats du « JAMA » portent sur les 7 premiers patients traités, âgés de 8 mois à 16 ans. Six d’entre eux étaient toujours vivants après une durée moyenne de suivi de 28 mois. Le septième patient n’a pas survécu à une infection herpétique opportuniste contractée avant la thérapie génique.
Le premier objectif de l’étude consistait à évaluer au bout de deux ans l’amélioration clinique. L’eczéma avait disparu chez tous les patients, les infections également. Les manifestations auto-immunes se sont nettement améliorées chez 5 des 6 patients chez qui elles étaient présentes. L’un des patients a vu disparaître son arthrite ; un autre a vu s’améliorer sa vascularite des membres inférieurs et a pu quitter son fauteuil pour reprendre une activité physique normale. Aucun épisode sévère hémorragique n’a été rapporté. Le nombre de jours d’hospitalisation a également été réduit de 25 jours en moyenne avant traitement à 0 dans les deux ans qui ont suivi la thérapie.
Une avancée majeure
Concernant les analyses biologiques - critères secondaires -, les auteurs ont observé une restauration du système immunitaire avec des taux stables de lymphocytes fonctionnels. Les taux de cellules myéloïdes et de plaquettes étaient variables d’un patient à l’autre, dépendant de la quantité de cellules corrigées injectées. Aucun signe de toxicité liée au vecteur n’a été constaté. Dans un éditorial associé, Harry L. Malech et Hans D. Ochs soulignent l’importance de ce nouveau vecteur capable de corriger un déficit immunitaire sans génotoxicité comme cela avait été le cas avec les premiers vecteurs. Selon eux, cette étude - la deuxième dans ce type de syndrome après celle de Aiuti et col. dont les résultats chez 3 enfants ont été publiés dans « Science » en 2013 - ouvre une nouvelle ère dans la thérapie génique. Les auteurs le confirment : « Les résultats obtenus dans cet essai clinique multicentrique constituent une avancée thérapeutique importante car ils concernent une pathologie complexe qui affecte la quasi-totalité des cellules sanguines avec des conséquences cliniques dramatiques... L’efficacité du traitement d’un tel déficit pour lequel un niveau de correction élevé des cellules souches hématopoïétiques est requis, indique qu’il est désormais légitime d’espérer traiter d’autres maladies génétiques complexes comme celles affectant les globules rouges », ont souligné les Prs Cavazzana-Calvo et Hacein-Bay Abina.
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