En France, près de 10 % des 65-75 ans sont fumeurs. Si cette prévalence peut sembler faible par rapport à celle observée dans les autres classes d’âge, « elle reste importante pour une population très concernée par les méfaits du tabac », soulignent Sarah Miret et Coll. qui signent, à l’occasion de la journée mondiale sans tabac, une étude observationnelle consacrée aux positionnements des professionnels de santé face aux fumeurs.
Publié dans le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH) du 31 mai, ce travail a été réalisé en 2019 auprès de 300 infirmiers, pharmaciens et médecins libéraux franciliens (dont 51 généralistes), soumis à un questionnaire explorant leurs connaissances, attitudes et pratiques vis-à-vis du tabagisme de la personne âgée.
Le statut des séniors vis-à-vis du tabac peu renseigné
Les résultats suggèrent que moins de la moitié des professionnels de santé d’Île-de-France (44,7 %) interrogeraient leurs patients de plus de 65 ans sur leur statut tabagique et seul un peu plus d’un tiers (35 %) le renseignerait dans le dossier médical du patient. « Cela représente autant d’occasions ratées de sortir du tabagisme », regrettent les auteurs de l’étude qui soulignent par ailleurs l’impact du tabagisme chez les séniors en termes de morbimortalité.
Selon la littérature, 70 % des décès attribuables au tabac surviennent chez les plus de 60 ans. Et à 70 ans, « 81 % des hommes et 87 % de femmes non-fumeurs sont encore vivants, contre 55 % des hommes fumeurs et 68 % des femmes fumeuses », indique le BEH. Au-delà de cette mortalité prématurée, plusieurs études soulignent aussi l’impact du tabagisme du sénior en termes de morbidité. Par exemple, sur le plan cognitif « les personnes âgées fumeuses présentent des résultats inférieurs aux non-fumeurs, un déclin des fonctions cognitives plus rapide à âge égal, ainsi qu’un risque accru de maladie d’Alzheimer », rapporte le BEH. De même, « le risque de survenue d’une insuffisance cardiaque est corrélé à la persistance du tabagisme chez le sujet âgé ».
Et si arrêter de fumer après 65 ans « ne réduit pas de façon forte les risques liés à cette consommation, reconnaissent les auteurs du BEH, le sevrage améliore rapidement, l’odorat et le goût indépendamment de l’âge ». Il permet aussi d’amender la fonction respiratoire, « y compris en cas de broncho-pneumopathie chronique obstructive », et peut « conduire à une baisse des doses d’insuline chez le patient diabétique ». Mais surtout, « le sevrage améliore la qualité de vie et cela même en cas de pathologies chroniques associées ».
Le sevrage jugé plus difficile chez le sujet âgé
Malgré cela, seuls 47,7 % des professionnels interrogés déclarent accompagner leur patient lors du sevrage, la majorité ne se sentant pas forcément légitimes pour le faire. Dans l’étude du BEH, 61 % des sondés considèrent en effet que le sevrage relève de praticiens spécialisés et seuls 68,0 % estiment avoir une connaissance suffisante des propositions thérapeutiques disponibles.
Pourtant, « contrairement à une idée répandue, y compris parmi les répondants à cette enquête, le sevrage n’est pas plus difficile passé 65 ans », insiste le BEH, alors que seuls 64,3 % des répondants savent par exemple qu’il n’y a pas de risque à proposer une substitution nicotinique à une personne âgée.
Certains professionnels semblent aussi hésiter à imposer ce sacrifice à leurs patients âgés, 37,7 % des sondés considérant que fumer est l’un des rares plaisirs qui leur reste. Deux tiers (66,7 %) pensent par ailleurs que les fumeurs âgés sont moins enclins à arrêter de fumer que les jeunes.
Au total « nos résultats montrent que les professionnels de santé d’Île de France ont des connaissances sur la prise en charge tabagique, considérée comme faisant partie de leur mission. En revanche, ils semblent manquer de confiance en leurs capacités à gérer cette prise en charge chez le sujet âgé, résument les auteurs de l’étude.
Renforcer la formation
Considérant que « les approches préventives à l’adresse des personnes âgées fumeuses, selon le concept du « chaque contact (avec le système de santé) compte » sont essentielles », ils appellent à mettre l’accent sur la formation initiale et continue « qui, outre l’acquisition des connaissances, changera les représentations ouvrant vers de meilleures attitudes et pratiques dans la prise en charge du tabagisme ».
Dans cette étude, les comportements variaient significativement selon la profession (les médecins ayant un meilleur score de pratique) mais aussi selon le fait d’avoir suivi ou non une formation.
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