EN TRANSCRIVANT en 2010 la directive européenne sur l’ouverture du marché des paris sportifs, la France est l’un des derniers États de l’Union à déréguler en ce domaine. Exit le monopole de la Française des Jeux et du PMU. « Les pays qui n’ont pas prévu de garde-fou ont été exposés de plein fouet à un tsunami financier, observe le Dr Christian Hutin, président du groupe d’études Éthique et dopage dans le sport, soumis au régime des bookmakers au Royaume-Uni et mis en coupe réglée par des groupes plus ou moins mafieux en Italie. Dans la péninsule, les trois quarts de l’argent des jeux ont ainsi échappé au contrôle de l’État. »
En France, dès avant l’adoption de la loi qui sera présentée au printemps par la ministre de la Santé et desSports, Roselyne Bachelot, les grandes manuvres de la marchandisation du sport ont commencé, notamment sur Internet, avec les paris en ligne. Ce n’est plus un Tapie qui est à l’affût comme aux temps de l’OM, mais tout un bataillon d’aventuriers qui tentent de prendre leurs marques, sur fond de conflit d’intérêts entre groupes de télévision, propriétaires d’équipes et de clubs, et autres fonds de pensions à la recherche d’un bon plan. « Des personnages qui font penser par exemple à Francis le Belge rodent en coulisse, attirés par les perspectives de recyclage d’argent », confie un député.
Contre-feux.
Depuis sa création en avril dernier, sous la férule de son secrétaire administratif Thomas Rouan, le groupe d’études a évalué les risques inhérents à l’ouverture des paris sportifs, il a notamment auditionné le -PDG de la Française des Jeux, Christophe Blanchard-Dignac, le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Henri Sérandour, le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, ou le président de l’AFLD, Pierre Bordry. Également conscients du risque, qu’ils soient membres de la majorité ou de l’opposition, les députés du groupe s’affirment aujourd’hui déterminés à allumer des contre-feux réglementaires pour empêcher les dérives du sport business que, sinon, ne manqueraient pas de susciter les paris. Ils demandent que les fédérations puissent garder la maîtrise du choix des compétitions servant de support aux paris, afin d’empêcher que les opérateurs de jeux ne soient les seuls à en tirer profit, au détriment du sport, de son organisation et de ses pratiquants.
Christian Hutin et les membres de son groupe d’études tirent aussi la sonnette d’alarme sur « la mise en danger de l’esprit et de l’éthique sportifs qui peut favoriser indirectement le dopage et les comportements délictueux sur le terrain ». Et il annonce au « Quotidien » « le dépôt d’un amendement qui multiplie par trois le budget de l’AFLD, en le portant de 8 à 24 millions d’euros ». Un triplement qui ne coûtera rien au contribuable, puisqu’il puisera dans les recettes des jeux et qui constituera un signe fort : « En augmentant les moyens de la recherche antidopage et en multipliant les contrôles, explique le député médecin, nous afficherons une volonté de défendre la santé publique contre la marchandisation galopante. À cet égard, l’AFLD a fait la démonstration de son excellence, la France est maintenant considérée à juste titre comme médaille d’or de la lutte antidopage, en termes d’honnête et de fiabilité. »
La révolte des médecins.
Pour évoquer le combat contre les ravages du dopage, le Dr Hutin n’hésite pas à invoquer l’épopée d’Elliot Ness et de ses incorruptibles aux temps héroïques de la prohibition aux États-Unis. « Évidemment, constate-t-il, l es médecins du sport sont très engagés dans ce combat. Or, ils sont de plus en plus nombreux à se plaindre des pressions qui entravent leur exercice. Syndicat des médecins du sport, Société française de médecine du sport, Union nationale des médecins fédéraux, de partout monte la même révolte : c’est la levée de bouclier des médecins opposés à la logique de la performance à n’importe quel prix. Une révolte sans précédent et parfaitement justifiée », estime le Dr Hutin, qui se réserve de se pencher, au sein du groupe d’études, sur l’intérêt d’une nouvelle loi sur la santé des sportifs.
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