« Spontanément, à la question, a-t-on le droit de mal vieillir. La réponse est oui. Si c’est son choix, la personne âgée a bien le droit de vivre comme elle l’entend. Mais après, se pose d’emblée, une autre question : quelles en sont les conséquences pour les autres ? C’est là tout le problème… », déclare le Dr Isabelle Fonseca (hôpital Émile Roux, Limeil Brévannes).
Aujourd’hui, on représente le mal vieillir comme une finitude pathologique. Pourtant, mal vieillir pourrait ne pas être seulement pathologique, mais plutôt être un mal vieillir dans la manière de vivre son vieillissement.
« Parler de bien ou de mal vieillir signifierait qu’il y a une norme qui permette de définir ce qui est bien ou mal. Mais qui fixe les normes. Et quelles normes ? La société est remplie de dogmes et de principes… », poursuit le Dr Isabelle Fonseca.
Les familles veulent bien sûr, le bien pour leur proche. Elles projettent leurs propres angoisses, leurs attentes d’hypersécurisation pour le bien de l’autre.
C’est ainsi, par exemple que les enfants pensent souvent qu’en maison de retraite, leurs parents seront mieux entourés, surveillés et pourront avoir des liens sociaux… mais si cela n’est pas leur choix…
Bien ou mal vieillir sont des notions très subjectives. Pour certains patients bien vieillir c’est être chez soi, quitte à être en fauteuil roulant, ne pas se laver tous les jours, regarder sa télévision, avoir sa petite routine dans sa maison où se trouvent tous ses souvenirs, toute sa vie. Et non pas être placé dans une institution qui lui apporterait de bons soins, des repas bien équilibrés…
Il n’y a pas de juste réponse à la question du bien ou du mal vieillir et en tant que gériatre, il faut alors accepter les choix du patient et ce qu’il pense être bien pour lui… mais c’est souvent une situation complexe tant sur un plan humain que médical.
La limite à ce droit
« Si un patient refuse d’être pris en charge, le médecin va-t-il l’accepter alors qu’il sait que cela a des conséquences sur sa santé… Là se trouve toute la problématique du gériatre aujourd’hui qui fait face aux demandes, aux refus, aux choix de son patient ou de son entourage », explique le Dr Isabelle Fonseca.
Pourquoi les malades s’opposent-ils à ce qu’on leur propose ? Parce qu’ils ne veulent pas être dans un format qui ne correspond plus à rien de ce qu’ils ressentent, vivent ou de ce qu’ils ont vécu ou ce qu’ils souhaitent. N’ont-ils pas le droit de sortir de ce format qu’on leur impose pour leur bien ?
Cependant, le gériatre est également confronté à la souffrance des aidants, et aux conséquences de certains choix des patients.
« Effectivement, on a le droit de choisir de mal vieillir, mais sous certaines conditions c’est-à-dire qu’il ne faut pas que cela soit au détriment des autres, que cela n’impacte pas de manière conséquente sur l’entourage proche, la famille, les enfants au point que certains arrivent à un burn out, une dépression… », conclut le Dr Isabelle Fonseca. Attention aux conséquences et aux risques de certaines décisions.
N’y aurait-il pas une limite à ce droit de mal vieillir qui serait le mal vivre de l’autre ?
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