Cellules souches hématopoïétiques

Un modèle murin à thrombopoiétine humanisée

Publié le 27/01/2011
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De notre correspondant

LES CELLULES souches hématopoïétiques (HSC) de la moelle osseuse sont des cellules très intéressantes en raison de leur propriété de prolifération «infinie» et de leur capacité à donner des cellules des trois lignées sanguines (hématies, leucocytes et plaquettes). Divers modèles murins xénogéniques, obtenus par la greffe de tissus humains chez des rongeurs athymiques (souris NOD-SCID #03D2;c-/-, souris BALB/c Rag2-/-#03D2;c-/-), ont été développés pour étudier la physiologie des HSC humaines. Ils ont toutefois des limites, notamment une tendance à privilégier le développement des cellules lymphoïdes aux dépens des cellules myélomonocytaires. En outre, les HSC humaines greffées chez des souris ne semblent pas capables de se maintenir de manière prolongée dans la souris xénogénique.

La prolifération et l’auto-renouvellement.

La thrombopoïétine (TPO) est un facteur de croissance dont le récepteur est exprimé par les cellules progénitrices et les cellules souches hématopoïétiques. Elle joue un rôle important dans la prolifération et l’auto-renouvellement des HSC. D’où l’idée d’intégrer le gène de la TPO dans des souris pour obtenir un meilleur modèle d’étude des HSC. Pour accroître les chances de succès, les auteurs ont utilisé un gène humain de TPO. Le modèle expérimental testé est donc une souris «knockin» Rag2-/-#03D2;c-/-TPO h/h, chez qui le gène murin TPO n’est pas «éteint» comme dans les souris «knockout», mais remplacé par un gène humain TPO.

L’équipe de Richard Flavell observe un accroissement significatif du pourcentage et du nombre absolu de cellules hématopoïétiques humaines (hCD45+) dans la moelle osseuse des souris TPO h/h, par rapport aux souris TPO m/m à gène TPO murin. En outre, la prise de greffe est moins sujette à variations (comme c’est le cas dans les modèles classiques), avec un chimérisme humain de plus de 80% chez 75% des animaux 3 à 4 mois après la greffe. Enfin, on n’observe pas de déclin de la prise de greffe. En revanche, l’effet de l’humanisation TPO des souris reste partiel car il ne s’étend pas à la thrombopoïèse.

Un autre résultat intéressant est l’augmentation du nombre absolu des cellules myéloïdes CD33+ dans la moelle osseuse des souris TPO h/h, avec une participation essentiellement granulocytaire. Le modèle développé par les chercheurs permet donc d’améliorer la différenciation multilignage des cellules hématopoïétiques avec une meilleure représentation de la lignée myéloïde.

Capacité accrue d’auto-renouvellement.

Enfin, les auteurs ont testé l’efficacité de leur modèle par la réalisation de greffes en série avec des cellules CD34+ issues de moelle osseuse de souris TPO m/m ou TPO h/h et transplantées, à faibles concentrations (100000 cellules CD34+/animal), à des souris nouveau-nées Rag2-/-#03D2;c-/-. Alors que des cellules CD45+ humaines ne sont détectées que chez 2 des 11 animaux ayant reçu des CD34+ provenant de souris TPO m/m, huit semaines après les greffes, ces cellules sont présentes chez 15 des 19 souris greffées avec des cellules issues de la souche TPO h/h. Ce qui témoigne d’une meilleure maintenance cellulaire et d’une capacité accrue d’auto-renouvellement.

L’ensemble de ces résultats suggère que l’utilisation d’une souris à thrombopoïétine humanisée offre un environnement plus favorable que les modèles murins classiques à l’entretien de cellules progénitrices et de cellules souches hématopoïétiques humaines. L’équilibre entre granulocytes et lymphocytes est plus proche de la physiologie humaine avec une capacité d’auto-renouvellement dans l’organisme murin. Il ne s’agit toutefois que d’une étape car il faudra, estiment les auteurs, réaliser des remplacements géniques supplémentaires pour améliorer encore le modèle, ce qui pourrait se faire prochainement.

Rongvaux A. , Flavell R.A. et coll. PNAS (2011) Publié en ligne.

Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8894