Un neurotropisme grave, surprenant mais rare

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Publié le 18/04/2016

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Les complications neurologiques graves du Zika ont surpris. « Clairement on ne s'attendait pas à ça, et on en apprend tous les jours », reconnaît le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Bichat (AP-HP) et chercheur INSERM.

Microcéphalie et autres malformations du cerveau chez le fœtus, syndromes de Guillain-Barré, et formes exceptionnelles de myélite, méningo-encéphalite, encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM), le virus Zika présente un vrai neurotropisme, « plus important que les autres flavivirus », décrit le Pr Yazdanpanah.

Alors que 95-99 % des infections à Zika sont des formes mineures, l'ampleur inédite de l'épidémie actuelle a révélé des atteintes spécifiques du système nerveux. Les malformations graves du cerveau chez le fœtus ont commencé à apparaître en proportion de l'épidémie. Le Brésil a confirmé 907 cas de microcéphalie depuis le début de l'épidémie l'an dernier. « La publication du "Lancet" sur l'épidémie en Polynésie rapporte une prévalence du syndrome de Guillain-Barré de 2,4 pour 10 000 cas d'infections », indique l'infectiologue.

Le premier cas de myélite a été décrit dans « The Lancet » début mars par l'équipe du Pr Annie Lannuzel au CHU de Pointe-à-Pitre. Quelques jours plus tard, l'équipe du Dr Guillaume Carteaux au CHU de Créteil rapporte, dans « New England Journal of Medicine », le premier cas de méningo-encéphalite. Deux cas d'ADEM, cette atteinte de la myéline au niveau du cerveau et de la moelle épinière comme dans la sclérose en plaques, ont été rapportés lors du congrès de l'American Academy of Neurology à Vancouver.

Pour les experts, il est possible d'envisager deux types de manifestations neurologiques liées au Zika, soit en phase aiguë de l'infection par atteinte directe du virus (malformations congénitales cérébrales, myélite, méningo-encéphalite) soit de façon différée post infectieuse par mécanisme immunologique auto-immun (syndrome de Guillain-Barré, ADEM).

« L'examen anatomopathologique des interruptions médicales de grossesse a apporté la preuve d'une invasion directe du tissu cérébral », explique le Pr Annie Lannuzel, chef de service de neurologie à Pointe-à-Pitre et chercheur INSERM à l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM). C'est « avec certitude », selon les CDC américains qu'une récente étude publiée le 13 avril dans le « New England Journal of Medicine » a établi, sur la base des données épidémiologiques, cliniques et moléculaires, le lien longtemps suspecté entre la microcéphalie et le virus.

« Pour la myélite et la méningo-encéphalite, on a de fortes présomptions de l'atteinte directe mais sans en avoir la certitude en l'absence d'examen anatomopathologique possible, tempère le Pr Lannuzel. Une chose est sûre, il y avait du virus Zika dans le liquide céphalo-rachidien à la phase aiguë de l'infection. Mais il est tout à fait possible qu'une atteinte inflammatoire liée au virus soit en cause. Comment faut-il alors traiter ces formes ? On ne dispose pas d'antiviral pour l'instant. On est moins démuni dans les cas de Guillain-Barré qui sont classiquement traités avec les immunoglobulines polyvalentes ».

Aucun facteur de risque particulier n'est ressorti. « Tous les âges peuvent être concernés, fait remarquer la neurologue. Le cas de myélite est survenu chez une patiente de 15 ans qui était en bonne santé ». Pour les femmes enceintes, « on a l'impression que les fœtopathies surviennent plus souvent quand l'infection est symptomatique et survient au premier trimestre », indique le Pr Yazdanpanah.

Les pistes de recherche suivent deux axes principaux pour mieux comprendre l'infection, explique le Pr Yazdanpanah. « Le premier volet est de travailler sur des modèles expérimentaux pour mieux comprendre la physiopathologie et on dispose depuis peu pour cela d'un modèle murin, développe-t-il. Le deuxième volet est épidémiologique avec la mise en place de cohorte, - ce qu'a fait l'INSERM en Martinique, Guadeloupe et Guyane. » Les essais étant actuellement en phase 1, « un vaccin ne sera pas disponible avant un an minimum ».