Quand paraîtront ces lignes, nous vivrons sous un « nouveau régime pharmaco-thérapeutique ». Beaucoup de médecins ne s’en douteront guère ; la plupart des malades encore moins, mais les bocaux des potards auront subi une révolution d’ailleurs pacifique.
Quelques vieilles drogues poussiéreuses auront pour jamais disparu de l’officine des pharmaciens et ne se trouveront plus que chez l’herboriste.
En revanche, il y aura quelques médicaments nouveaux qui auront l’honneur de figurer dans un volume officiel, contresigné par des personnages non moins officiels, lesquels depuis plus de dix ans, paraît-il, se tâtaient le pouls chaque matin pour savoir s’ils devaient maintenir ou rayer du catalogue : le Lupulin et le Boldo, ou y faire figurer ou non tel sérum ou telle préparation opothérapique ou physiologique.
Ce chapitre consacré à l’opothérapie, à la sérothérapie et aux vaccins microbiens ne me paraît pas devoir être gravé sur l’airain, et si les auteurs du Codex n’ont pas laissé une surface blanche d’une étendue considérable, j’ai bien peur qu’ils soient, avant peu, obligés de recommencer leur travail. Vingt gouvernements ont donné dans une conférence internationale tenue à l’Époque, à Bruxelles, leur adhésion anticipée à la confection de ce monument qui a certainement son utilité, et qui causera moins d’ennuis à ces vingt gouvernements que l’acte d’Algésiras ou que la réouverture de la question d’Orient, mais qui, pendant quelque temps, va embêter les pharmaciens et les médecins surtout.
Pour ma part, j’avais l’habitude de prescrire certaines doses d’alcool, de teinture, d’extrait d’aconit, de belladone, de colchique, de liqueur de Tourlet, etc., et patatras, du jour au lendemain, on me transforme de 50 à 60 % en plus ou en moins la puissance de tous ces toxiques.
Et ce nouveau Codex a force de loi. Il a beau être, comme disent les initiés, « d’une lecture facile », divisé en « chapitres bien séparés », et être agrémenté d’un tableau des doses maxima qui a été dressé seulement à titre de renseignement sans que les tribunaux puissent en tirer argument, il ne nous en supprime pas moins 800 préparations dont, je veux bien, 775 ne nous servaient jamais (et personne ne nous obligera à user des 850 nouvelles qu’on y a ajoutées), mais il y a là tout de même une petite gymnastique pour laquelle nos mémoires de vieux praticiens ne sont pas très entraînées. Aussi je partage absolument l’avis de notre distingué confrère et maître Louis Rinon quand il dit, dans un article du Journal des Praticiens : « S’il m’était permis de donner sur elle (l’œuvre du nouveau Codex) une appréciation générale, je dirais que, dans son ensemble, cette œuvre me paraît excellente pour le pharmacien, mais qu’elle ne l’est pas autant pour le médecin. »
Et, plus loin, M. Louis Rinon ajoute très judicieusement, et je souhaite qu’il ne soit pas trop bon prophète : « A l’heure où les procès en responsabilité médicale sont si facilement engagés par le public contre les médecins, il peut y avoir là un danger permanent suspendu sur la tête des praticiens. »
Je voudrais bien voir la tête que feraient nos magistrats si, du jour au lendemain, on leur modifiait un millier d’articles usuels du Code. « Ils s’en ficheraient pas mal », me répondait souvent un aimable président de mes amis ; « nous sommes irresponsables et inamovibles ».
(Dr Léon Leriche, La Gazette médicale du Centre, 1er novembre 1908)
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