Testée sur 204 patients présentant une douleur thoracique

Une « appli » de smartphone réalise un ECG et détecte l’infarctus

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Publié le 29/11/2018
ECG

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Nous avons démontré la possibilité de réaliser un ECG équivalent à 12 dérivations, au moyen d’une simple technologie de smartphone mobile, et permettant d’identifier un patient présentant un infarctus avec élévation du segment ST (STEMI) presque aussi bien qu’un ECG standard à 12 dérivations » explique au Quotidien le Dr Joseph B. Muhlestein, chercheur en santé cardiovasculaire à l’Intermountain Heart Insitute de Salt Lake City (États-Unis) qui a dirigé l’étude. Les résultats ont été présentés le 12 novembre à la Session Scientifique de l’American Heart Association tenue à Chicago.

« Puisque ce type de dispositif pourrait être accessible n'importe où, il offre la possibilité de poser rapidement un diagnostic précoce de STEMI, afin de traiter plus rapidement les patients et sauver ainsi des vies », souligne le Dr Muhlestein. « Le dispositif évalué dans l’essai ST LEUIS est une version modifiée du dispositif KardiaMobile (AliveCor) actuellement disponible sur le marché. Étant donné le succès de notre étude de faisabilité, AliveCor développe maintenant une version commerciale du dispositif », précise-t-il.

L’étude multicentrique internationale (ST LEUIS), menée aux États-Unis et en Argentine, porte sur 204 patients (60 ans en moyenne) présentant une douleur thoracique qui ont bénéficié simultanément de 2 types d’ECG - un ECG 12 dérivations standard et un ECG « équivalent à 12 dérivations » effectué par un smartphone connecté à 2 câbles. L’évaluation en aveugle de 190 paires d’ECG interprétables montre que l’ECG par smartphone (comparé à l’ECG standard) peut détecter l’infarctus STEMI avec une sensibilité de 89 %, une spécificité de 84 % et une valeur prédictive négative de 95 %. « Nous avons constaté que l'application nous aide à diagnostiquer les crises cardiaques de manière très efficace, et permet d’exclure la crise cardiaque avec confiance (valeur prédictive négative 95 %)», note le cardiologue.

La révolution technologique des smartphones

En France, chaque année, environ 100 000 personnes sont atteintes d’infarctus du myocarde. Selon la Fédération Française de Cardiologie, seul un quart des patients avec infarctus bénéficient du parcours de soins optimal : appel immédiat du 15 (SAMU) devant une douleur intense dans la poitrine d’une durée de plus de 20 minutes, reperfusion myocardique en extrême urgence (délai inférieur à 90 minutes) sur place (par thrombolyse) et/ou après transfert en cardiologie interventionnelle

À ce titre, ces résultats sont importants pour deux raisons, souligne le Dr Muhlestein. D’une part, le dispositif pourrait accélérer la reperfusion myocardique (délai « door-to-balloon » inférieur à 90 minutes). « Un patient ayant une douleur thoracique pour la première fois pourrait penser qu’il s’agit simplement d’une indigestion, et n'ira pas aux urgences. Ce qui est dangereux, puisque plus vite nous re-perméabilisons l'artère meilleure sera la survie du patient », rappelle-t-il. L’application permet d’effectuer l’ECG sur place, et les résultats sont envoyés dans le cloud où ils sont analysés immédiatement par un cardiologue dédié, qui informe le patient d’aller en urgence à l'hôpital en cas de STEMI.


« Lorsque le nouveau dispositif AliveCor sera disponible sur le marché, nous espérons pouvoir effectuer une étude de validation sur le terrain. Nous aimerions distribuer le dispositif à un premier groupe de patients à haut risque de coronaropathie vivant éloignés d’un service d’urgence », estime le cardiologue.

« Je pense que la révolution technologique des smartphones dans le secteur de la santé aura des effets positifs considérables en aidant les gens à vivre le plus sainement possible. L’essai ST LEUIS illustre juste l’un des nombreux moyens par lesquels l’informatique mobile pourrait aider les patients », conclut-il

 

J. B. Muhlestein et al, American Heart Association's 2018 Scientific Session, Chicago

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9706