LA PRESSION ARTÉRIELLE n’est pas une variable fixe. Elle est soumise à un certain nombre de fluctuations à court ou à long terme. Les mécanismes qui contrôlent ces fluctuations sont multiples. Les régulations à court terme dépendent de l’activité du baroréflexe, boucle inhibitrice de régulation située au niveau de l’arche aortique, dans les corps carotidiens (zone du glomus carotidien). À moyen et long terme, la régulation de la pression artérielle est plutôt d’origine neuro-humorale, via entre autre la sécrétion de catécholamines, d’angiotensine II et d’endothéline.
Chez certains patients, la variabilité de la pression artérielle est anormale, du fait d’une perte de sensibilité du baroréflexe. Il existe alors des anomalies circadiennes, avec une inversion du profil jour/nuit, qui caractérise le profil de patients « non-dipper » (quand la pression ne baisse pas assez la nuit) voir d’inverted dipper (quand la pression augmente paradoxalement la nuit à un niveau supérieur à celle de jour). Cela se traduit par une hypertension artérielle prédominante la nuit ou en décubitus (en général c’est le même mécanisme). Plusieurs hypothèses mécanistiques ont été proposées pour expliquer ces anomalies de variabilités tensionnelles. Des anomalies du système nerveux autonome induiraient une absence d’hypertonie vagale nocturne responsable de l’hypertension nocturne. En cas d’hyperactivité sympathique associée, cette hypertension nocturne peut s’accompagner de pic du petit matin, voire d’une élévation systolo-diastolique permanente. Parfois, l’altération des systèmes nerveux de régulation induit, à l’inverse, un tableau d’hypertension nocturne et de décubitus, associée à des hypotensions orthostatiques ou post-prandiales.
Devant un profil tensionnel non-dipper, une dysautonomie doit donc être recherchée, soit primitive (dysautonomie familiale, Shy-Drager, maladie de parkinson, syndrome à corps de Lewy, syndrome de Bradbury-Eggleston), soit secondaire d’origine métabolique, inflammatoire, infectieuse, néoplasique, traumatique ou iatrogène…
Un facteur de risque cardio-vasculaire.
Les anomalies de régulation de la pression artérielle ont un impact clinique non négligeable. Une hypotension orthostatique est un facteur de risque reconnu de mortalité totale et cardio-vasculaire, de même que la perte de variation physiologique entre les périodes diurne et nocturne. Chez les patients hypertendus, des études s’appuyant sur les enregistrements ambulatoires de pression artérielle ont montré qu’une augmentation accrue de la variabilité de la pression artérielle est un facteur de mauvais pronostic en termes de morbidité et mortalité cardiovasculaire. Il existe une forte association entre variabilité tensionnelle et atteinte d’organes cibles, et ce même pour un niveau tensionnel normal. Ainsi, il semblerait que la mesure de la pression artérielle des 24 heures en ambulatoire est plus fortement corrélée à l’atteinte des organes cibles et aux complications cardio-vasculaires et rénales, car elles prennent en compte les anomalies de variabilité.
Une méta-analyse publiée par Rothwell et coll. (1), a étudié la corrélation entre les variabilités intervisite et intravisite de la pression artérielle. La variabilité intervisite est la plus prédictive des événements cardio-vasculaires, et est également associée aux facteurs déterminants de la rigidité artérielle.
Ces études montrent l’importance, devant un patient hypertendu de la détermination de son profil de variabilité tensionnelle, par la recherche d’une hypertension de décubitus et d’une hypotension orthostatique. Le traitement doit viser à améliorer le contrôle tensionnel de jour comme de nuit, en essayant de restaurer des variations circadiennes plus physiologiques. Le choix des molécules, tout comme leur moment d’administration, doit tenir compte du profil de variabilité circadienne. En effet, le moment de la prise d’un médicament peut avoir un effet direct sur le contrôle tensionnel.
Quelle classe d’antihypertenseur et à quel moment ?
Le changement d’horaire de prise a des impacts différents en fonction des classes médicamenteuses. D’après les études réalisées, le moment d’administration des dihydropyridines influence peu la réduction des chiffres tensionnels, à l’exception de la nitrendipine qui a montré une meilleure réduction de la pression artérielle, notamment nocturne, lors de sa prise au coucher, avec un effet sur le rapport jour/nuit et une augmentation de la prévalence des patients dipper. Par ailleurs, la prévalence des œdèmes des membres inférieurs liés aux inhibiteurs calciques est réduite lors d’une prise au coucher. La classe des inhibiteurs calciques semble être celle qui est la plus efficace pour limiter les fluctuations tensionnelles.
Cette amélioration du contrôle tensionnel nocturne et la modification du profil circadien se retrouvent également pour l’ensemble des inhibiteurs de l’enzyme de conversion en cas d’administration vespérale, quelles que soient leur formulation (lipophile ou non) ou leurs caractéristiques pharmacocinétiques (demi-vie longue ou courte). À l’inverse, l’effet des alphabloquants est majoré le matin. L’action des bétabloquants s’exerce surtout sur la pression artérielle diurne, par effet antagoniste de l’activité sympathique. Cependant, une étude réalisée avec le nébivolol suggère une meilleure couverture tensionnelle des 24 heures lors d’une prise au coucher.
Enfin, une étude ayant porté sur un inhibiteur de l’angiotensine II, le valsartan, a montré qu’une prise matinale ou vespérale avait un effet similaire sur les chiffres de pression artérielle diurne et nocturne, mais que l’administration vespérale avait permis une réduction de plus de 70 % du nombre de patients ayant un profil non-dipper.
D’après un entretien avec le Pr Atul Pathak, pharmacologue cardiologue, CHU de Toulouse.
(1) Rothwell PM, Howard SC, Dolan E et al. Prognostic significance of visit-to-visit variability, maximum systolic blood pressure, and episodic hypertension. Lancet 2010;375:895-905.
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