Voilà de quoi soutenir la recommandation de diversifier très tôt l’alimentation des jeunes enfants : les nourrissons dont l’alimentation ne contient pas au moins deux allergènes majeurs avant l’âge de 10 mois sont deux fois plus à risque de développer une allergie alimentaire. Telle est la conclusion d’une vaste étude de cohorte française publiée le 27 juillet dans la revue Allergy.
« Le développement des allergies alimentaires au sein de la population française est devenu un problème de santé publique », rappelle dans un communiqué l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui a piloté l'étude. Et certaines habitudes alimentaires – notamment une diversification alimentaire tardive chez l’enfant – ont été identifiées comme des facteurs de risque modifiables d’allergie alimentaire, suggèrent les auteurs du présent travail.
Introduire les allergènes dès 4 mois
Il y a quelques années déjà, diverses sociétés savantes ont revu leurs recommandations relatives à la diversification alimentaire chez le nourrisson. À l’instar de la Société européenne de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique, qui préconise désormais « de proposer aux enfants un régime varié et l’introduction d’aliments allergéniques (…) à partir de 4 mois ». De même, en France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) invite à « introduire les aliments dits allergènes en même temps que les autres aliments, dès l’âge de 4 mois », précise l’Inrae.
Cependant, « l’impact de ces nouvelles mesures n’avait pas encore été analysé », déplore l’instance. En outre, selon les chercheurs, « les preuves concernant la relation entre les pratiques de diversification alimentaire et le risque de maladies allergiques restent limitées et (…) à confirmer dans des études plus vastes » que celles conduites jusqu’à présent.
Une diversification encore trop tardive
Dans ce contexte, des chercheurs de l’Inrae, du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress), de l'Inserm, de l'Institut national d'études démographiques (Ined), de l'Université Paris-Cité et du CHRU de Nancy ont décidé de recourir à la cohorte française Elfe – constituée en 2011 et qui « a pour objectif de suivre des enfants de la naissance à l’âge adulte afin de mieux comprendre les facteurs, de la période intra-utérine à l’adolescence, qui influencent leur développement, leur santé, leur socialisation et leur parcours scolaire », rappelle l’Inrae.
Plus précisément, les auteurs se sont penchés, comme l’explique l’instance, sur « 6 662 enfants (issus de cette cohorte) n’ayant présenté aucune manifestation allergique avant l’âge de 2 mois » et dont les parents ont dû renseigner mensuellement la composition de l’alimentation entre ses 3 mois et ses 10 mois – permettant aux chercheurs de calculer notamment un score de diversité alimentaire et le nombre d’allergènes majeurs (produits laitiers, œufs, blé et poisson) non introduits à 8 et 10 mois. Les parents ont par ailleurs déclaré d’éventuelles pathologies allergiques (allergie alimentaire, eczéma, asthme et rhinoconjonctivite) à 1, 2, 3,5 et 5,5 ans.
Résultat : d’abord, les recommandations de diversification alimentaire précoce se révèlent peu appliquées. « Seuls 62 % des enfants ont débuté la diversification alimentaire sur la période recommandée, soit entre 4 et 6 mois », regrette l’Inrae. Et à 8 mois, « 18,8 % des enfants avaient (encore) un score de diversité faible », ajoutent les auteurs. De même, côté introduction des allergènes alimentaires, « au moins deux aliments allergènes majeurs (…) n’avaient pas été introduits chez respectivement 43,5 % et 10,6 % des enfants à 8 et 10 mois. Et plus de la moitié des enfants n'avaient pas été exposés à au moins un aliment allergène majeur à l'âge de 10 mois », détaillent les chercheurs.
Risque d’allergie alimentaire doublé en cas d’introduction tardive des allergènes
Or ce travail confirme un lien entre introduction retardée des allergènes majeurs et risque d’allergie alimentaire. En effet, les jeunes participants à l’étude n’ayant pas bénéficié d’une introduction d’allergènes majeurs à 10 mois présentent « un risque deux fois plus élevé de développer une allergie alimentaire avant l’âge de 5,5 ans que ceux pour lesquels les quatre allergènes considérés sont introduits avant l’âge de 10 mois », rapporte l’Inrae.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature