L'étude dans les territoires français (Guadeloupe, Martinique, Guyane) publiée dans « The New England Journal of Medicine » apporte des informations importantes par rapport aux précédentes menées au Brésil et aux États-Unis sur le risque neurologique et oculaire chez les bébés nés de mères infectées par le virus Zika en cours de grossesse.
« C'est la plus grosse cohorte où le diagnostic de l'infection est certain et daté en cours de grossesse, explique le Pr Arnaud Fontanet, de l'Institut Pasteur et co-investigateur de l'étude. Le risque malformatif pendant la grossesse a pu être estimé en fonction du terme de survenue de l'infection. »
Entre mars 2016 et novembre 2016 ont été incluses dans la cohorte 546 femmes ayant présenté un rash en cours de grossesse, avec la preuve formelle de l'infection Zika par PCR. Par comparaison, l'étude brésilienne était plus petite avec 125 femmes incluses, et quant à l'étude américaine, si elle a inclus 442 femmes, elle était rétrospective et sans diagnostic de certitude.
Un risque maximal au premier trimestre
« L'étude confirme la réalité du risque avec un taux global malformatif de 7 %, explique le Pr Bruno Hoen, spécialiste des maladies infectieuses au CHU de Pointe-à-Pitre et investigateur principal. Le risque est maximal au premier trimestre mais ne s'annule pas pour autant après ». Au premier trimestre, le risque était de 12,7 %, de 3,6 % au second et de 5,3 % au troisième.
Cette étude, qui s'inscrit dans le cadre du programme ZIKAlliance, s'est montée très rapidement avec l'INSERM et l'aide du consortium REACTing. « En octobre 2015, l'alerte sur des cas de microcéphalies après une épidémie de Zika était donnée au Brésil, rappelle Arnaud Fontanet. Le 1er février 2016, l'OMS déclarait l'urgence de santé publique de portée internationale avec un appel lancé à la communauté scientifique pour comprendre les complications observées chez l'adulte et chez les nouveau-nés. En mars 2016 débutait le recrutement dans la cohorte. »
Forte adhésion à participer
L'adhésion des femmes à la proposition de participer à l'étude était forte. « Sans doute, l'étude répondait à un besoin des femmes d'être sécurisées, se souvient le Pr Hoen. L'annonce était faite dans le cadre d'une structure de soins pluridisciplinaires. Au cours du suivi, des interruptions thérapeutiques de grossesse ont été proposées, mais pas toujours choisies par la femme ou le couple. Au total, 10 ITG ont été réalisées. »
Dans l'étude, le suivi était clinique et sur l'imagerie échographique in utero. « Le suivi recommandé en période épidémique était de 5 à 6 échos pour toutes les femmes enceintes, explique le Pr Hoen. En cas de suspicion d'anomalie, la surveillance échographique était plus rapprochée, une fois par mois, avec la réalisation éventuelle d'une IRM. Aucune anomalie n'a été constatée de façon inattendue à la naissance. »
Au cours de la grossesse, 39 fœtus (7 %) ont présenté une anomalie rentrant dans le critère principal de jugement. Y étaient regroupées de façon consensuelle toutes les anomalies neurologiques et oculaires (anomalies du cerveau et/ou du tube neural avec ou sans microcéphalie). Trente-deux fœtus et nouveau-nés (5,8 %) ont présenté une microcéphalie (< - 2SD), dont 9 (1,6 %) une forme grave (< - 3SD). Le risque de microcéphalie passait de 3,7 % en cas d'infection au 1er trimestre, à 0,8 % au 2d trimestre puis à 0 au 3e trimestre.
Un suivi à 2 ans, si possible 6-7 ans
Les chiffres sont comparables à ceux obtenus partout ailleurs, sauf au Brésil. « Le risque malformatif était estimé à 42 % au Brésil, rapporte Arnaud Fontanet. On n'a pas encore d'explications très claires. L'une des hypothèses repose sur la réalisation systématique d'une IRM, avec de simples variations par rapport à la normale qui ont peut-être été surinterprétées comme étant des anomalies ». Une autre explication repose sur une mauvaise mesure du périmètre crânien, ajoute le Pr Hoen. « Les Brésiliens sont en train de vérifier s'il n'y a pas eu une surestimation des microcéphalies », précise-t-il.
Un suivi à long terme est nécessaire. « Certaines anomalies peuvent apparaître plus tard, et d'autres peuvent disparaître, poursuit le Pr Fontanet. Pour notre cohorte, le suivi est prévu jusqu’à l'âge de 2 ans, avec le projet d'aller jusqu'à l'âge de 6-7 ans, pour dépister des troubles de l'apprentissage ».
En phase épidémique, le virus peut contaminer 50 % de la population. « Si le risque de malformations peut sembler faible par rapport à d'autres infections, cela représente de nombreuses femmes en valeur absolue », explique Arnaud Fontanet. La recherche du virus Zika doit être systématique chez toute femme enceinte qui réside ou a résidé en zone d'infection évolutive, souligne le Pr Hoen. « Comme la rubéole, le virus Zika fait partie de la liste des virus infectieux tératogènes, développe-t-il. Aux Antilles, si l'épidémie a été massive, elle est maintenant éteinte. Mais au Brésil par exemple, le virus continue de circuler. C'est une information importante à avoir en tête pour les femmes enceintes qui voyagent. » Si la sérologie Zika est positive avant le départ, la femme est protégée, explique l'infectiologue ; en cas de sérologie négative, il faut indiquer à la femme de faire attention et de se protéger des piqûres de moustiques, dans l'attente d'un vaccin efficace. « Et plusieurs sont en développement », conclut Bruno Hoen.
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