« Nous montrons que le microbiote intestinal répond au traitement de la maladie de Crohn d’une manière beaucoup plus complexe que ce que l’on pensait. L’information apportée par notre étude pourrait être utilisée pour surveiller ou prédire la maladie, ainsi que pour guider de nouvelles stratégies thérapeutiques fondées sur l’alimentation », explique le Dr Gary Wu, gastro-entérologue et chercheur spécialiste du microbiote à l’université de Pennsylvanie.
La maladie de Crohn est associée à un déséquilibre du microbiote intestinal, nommé dysbiose, dont l’origine reste incertaine. Pour mieux comprendre l’origine de la dysbiose et les effets des traitements, Lewis et coll. ont étudié longitudinalement le microbiote intestinal de 90 enfants présentant une maladie de Crohn et débutant un traitement par anticorps anti-TNF (n=54) ou nutrition entérale exclusive ou partielle (n=22 NEE et 16 NEP). Ils ont été comparés à 26 enfants témoins.
Les échantillons de selles, recueillis 4 fois (au départ, à 1 semaine, 1 mois, et 2 mois du début du traitement) ont été analysés par séquençage métagénomique afin de révéler l’évolution dynamique des bactéries, champignons, archae et virus durant le traitement.
Y compris les champignons
Les chercheurs ont constaté que la dysbiose de la maladie de Crohn s’étend au-delà des bactéries pour inclure les champignons. Les antibiotiques, la thérapie anti-TNF et l’alimentation entérale exercent des effets différents sur la composition du microbiote intestinal. Ainsi, une antibiothérapie récente est associée à une grande dysbiose bactérienne et une abondance de champignons dans les intestins.
Par contraste, la nutrition entérale exclusive (NEE) modifie rapidement la composition du microbiote (déjà à 1 semaine du traitement), en diminuant l’abondance des champignons mais en élevant la dysbiose bactérienne, et réduit efficacement l’inflammation.
À 1 semaine de NEE, la composition du microbiote diffère entre les « répondeurs » et les « non répondeurs », ce qui soulève la possibilité que des mesures du microbiote puissent être utilisées pour prédire la réponse au traitement. Enfin, de façon importante, la dysbiose diminue avec la réduction de l’inflammation induite par thérapie anti-TNF ou alimentation entérale, ce qui concorde avec l’idée selon laquelle l’inflammation contribue directement a la dysbiose.
Via les métabolites
Ces résultats, selon le Dr James Lewis (Université de Pennsylvanie), « constituent un pas pour tenter d’identifier des moyens de manipuler le microbiote intestinal afin d’améliorer l’évolution de la maladie de Crohn chez les patients ». Il ajoute toutefois qu’il n’est pas indispensable de restaurer un microbiote sain pour obtenir un effet thérapeutique ; la NEE pourrait agir par d’autres biais qu’une modification du microbiote.
L’étude ouvre aussi la voie à de nouvelles approches pour diagnostiquer et traiter la maladie de Crohn.
L’équipe envisage d’analyser les métabolites produits par le microbiote pour mieux explorer les mécanismes sous-jacents de la maladie. Si certains de ces métabolites contribuaient aux effets bénéfiques de l’alimentation entérale, ils pourraient alors offrir de potentiels traitements.
Les chercheurs vont continuer à étudier comment les alimentations entérales agissent sur l’inflammation, avec l’espoir d’utiliser cette information « pour développer des alimentations qui sont moins restrictives mais tout aussi efficaces, ou des médicaments qui simulent les mécanismes des alimentations entérales. Dans les prochaines années, nous espérons aussi étudier d’autres régimes qui sont populaires parmi les patients atteints de la maladie de Crohn », laisse entrevoir le Dr Lewis.
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