Un nouveau test nommé hdPCA (pour homomer dynamics protein-fragment complementation assays) publié par Stynen et al dans Cell dévoile l'action jusque-là inconnue de la metformine sur le métabolisme du fer- simulant une privation en fer. Cet effet pourrait expliquer en partie son effet antidiabétique.
« Pour appréhender les actions d’un médicament ou plus généralement d’une molécule dans l'organisme, il faut surveiller simultanément tout ce qui se passe dans les cellules. De nos jours, il y a plusieurs façons de procéder mais notre méthode, appelée hdPCA, a le mérite d'être extrêmement simple à réaliser et à interpréter. Elle est de plus non invasive, peu coûteuse, et peut être réalisée dans pratiquement n’importe quel laboratoire », explique Stephen Michnick, professeur de biochimie à l’Université de Montréal (Canada) qui a dirigé l’étude publiée.
Le test hdPCA permet de dépister les effets d’un médicament sur l’ensemble des fonctions cellulaires de l’organisme en mesurant les changements d’auto-association de plus de 3 500 protéines de la levure au sein de levures cultivées dans différentes conditions. L’équipe a validé le test en prédisant correctement les effets de 2 médicaments : la rapamycine (ou sirolimus), un immunosuppresseur inhibiteur de mTOR et la metformine, un antidiabétique oral de première intention pour le diabète de type 2.
Réduction du taux de fer lié aux protéines
« Nous avons choisi la metformine car c’est un modèle d’étude intéressant au regard de mécanismes d'action non complètement encore élucidés » précise le biochimiste Bram Stynen (U. de Montreal), premier signataire de l'étude.
En collaborant avec des chercheurs de l’Institut Francis Crick à Londres, l’équipe a découvert une réponse cellulaire globale insoupçonnée à la metformine qui simule un déficit en fer. Leurs observations suggèrent que la metformine interfère avec la distribution de fer dans la cellule et son transport intracellulaire. En particulier, le taux de fer lié aux protéines est réduit lors d’un traitement par metformine.
«La metformine exerce un effet inattendu, celui de simuler une privation en fer même s’il est abondamment présent dans les cellules. Cet effet de privation en fer favorise une absorption et une utilisation du glucose par les cellules, et ceci pourrait peut-être expliquer comment ce médicament amène les cellules à capter le glucose chez les diabétiques », explique au Quotidien le Pr Michnick.
« Ce nouvel aperçu des effets de la metformine sur l'homéostasie du fer confirme le lien déjà supposé entre le métabolisme du fer et le diabète mais personne n'avait encore montré une association entre un effet antidiabétique de la metformine et l'homéostasie du fer dans des cellules vivantes », souligne le biochimiste Markus Ralser (Université de Cambridge et Institut Francis Crick à Londres).
Améliorer le traitement du diabète
Chez les humains, un excès en fer, qu’il soit causé par des facteurs héréditaires, l’alimentation ou une intervention médicale, représente un facteur de risque pour le diabète. Inversement, une alimentation pauvre en fer ou un traitement chélateur du fer améliore la glycémie chez les souris déficientes en leptine, prédisposées au diabète. En outre, un traitement par metformine tend à réduire les taux sanguins en fer. L’équipe poursuit ce travail sur des cellules humaines et chez l’animal afin de préciser dans quelle mesure l’effet de la metformine sur le fer contribue au métabolisme du glucose, et s’il est possible d’exploiter ce mécanisme pour améliorer le traitement du diabète.
« Cette découverte ouvre une nouvelle voie pour explorer les mécanismes moléculaires pour la prévention ou le traitement du diabète, des cancers et d’autres maladies chroniques du vieillissement », concluent les auteurs.
Stynen et al., Changes of Cell Biochemical States Are Revealed in Protein Homomeric Complex Dynamics, Cell (2 018), https://doi.org/10.1016/j.cell.2018.09.050
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