L’épilepsie est une maladie relativement fréquente puisqu’elle touche 1,1 % de la population en France (base EGB : échantillon généraliste de bénéficiaires représentant 1/97e des assurés sociaux Français) et 1,6 % des adultes de plus de 70 ans. Un tiers de ces patients résistent aux médicaments et semblent présenter davantage de problèmes psychiatriques.
En cas de comorbidité affection psychiatrique-épilepsie, on peut se poser la question de savoir si l’épilepsie est cause ou conséquence. « Le problème est complexe, déclare le Dr Arnaud Biraben. Ainsi, si la dépression favorise la survenue d’une épilepsie (3 à 4 % des sujets dépressifs risquent de devenir épileptiques), la proportion de patients dépressifs chez les épileptiques est estimée entre 20 et 50 %. Il y a probablement une base biochimique commune à ces deux pathologies et qui fait intervenir le métabolisme de la sérotonine ». La dépression ne semble pas fonction de l’intensité ni de la fréquence des crises. Paradoxalement, on peut parfois remarquer que les sujets dépressifs ou psychotiques le sont moins après une crise, c’est ce qu’on appelle la « normalisation forcée ». Comme ils le sont après une sismothérapie dans la mélancolie. Inversement, il y a des cas où la dépression s’aggrave après guérison de l’épilepsie.
C’est avec la dépression que la relation est la plus nette. Cependant, les troubles bipolaires sont présents chez 9 % des patients épileptiques mais la relation inverse n’est pas mise en évidence.
Dépression atypique
Les comorbidités psychiatriques posent un problème important dans la prise en charge de l’épilepsie car la dépression peut être atypique ; et elle est souvent rationalisée, le sujet épileptique imputant sa dépression à l’épilepsie. Certes, c’est possible. Mais des patients guéris de leur épilepsie peuvent cependant rester dépressifs. En outre, les psychiatres utilisent les antidépresseurs avec parcimonie car la majorité d’entre eux ont la réputation de favoriser les crises. Et les neurologues les connaissent mal. Enfin, les patients, s’ils lisent les notices des antidépresseurs, sont réticents à les prendre.
«Quoi qu’il en soit, insiste A. Biraben, il faut traiter la dépression de l’épileptique, essentiellement par des Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, les tricycliques étant peu recommandés. En cas de psychose, les neuroleptiques doivent être utilisés sous surveillance, même s’ils favorisent aussi les crises ». Un rapport écrit en commun entre épileptologues (LFCE) et psychiatres (CPNE) est sur le point de sortir.
Une spirale de régression
Malheureusement, l’épilepsie est mal prise en charge en France. Il n’y a que 4,8 % des patients épileptiques qui voient un neurologue une fois par an (base EGB), encore moins un psychiatre. Cet état de fait expliquerait en partie le grand nombre de suicides chez les épileptiques. L’épileptologie n’intéresserait-elle plus ? Probablement. « Il faut savoir, souligne le Dr Biraben, qu’un EEG fait par un neurologue de ville est facturé 0,50 cents en sus de la consultation. Quand, par exemple, un cardiologue de ville pratique une échographie, 95 euros environ viennent s’ajouter au tarif de la consultation. Les neurologues abandonnent donc l’EEG dont l’exécution prend du temps et qui est peu rémunérateur. Les neurologues en formation ne l’apprennent plus beaucoup ». Il faut aussi ajouter que de nombreux hôpitaux se désinvestissent de l’EEG, cet examen étant moins rentable que d’autres.
«Les différentes discussions entreprises avec les instances de la santé sur ce sujet n’aboutissent à rien, même si nous bénéficions… d’une écoute attentive ! En outre, les associations de patients sont très peu puissantes car la maladie épileptique étant multivariée (dans ses causes, ses formes, ses traitements, son pronostic), les associations ne s’expriment pas de la même voix. On est en France dans une spirale de la régression », conclut A. Biraben
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature