L'étude SPRINT a été publiée et présentée à l'automne 2015 (2). Elle a inclus plus de 9 000 patients hypertendus de plus de 50 ans, qui devaient en plus avoir une maladie cardiovasculaire préalable, une maladie rénale préalable, une insuffisance rénale ou un niveau de risque cardiovasculaire élevé avec un score de Framingham supérieur à 15 % sur dix ans. Les patients aux antécédents cérébrovasculaires et porteurs d'une maladie diabétique ne pouvaient pas être inclus dans l'étude.
Finalement, les 9 000 patients de l'étude SPRINT étaient des patients à risque cardiovasculaire élevé à très élevé, avec 28 % de patients âgés de plus de 75 ans, 28 qui avaient une maladie rénale préalable et 20 % des patients en situation de prévention cardiovasculaire secondaire.
Après randomisation, les investigateurs étaient motivés à ramener la pression artérielle (PA) systolique le plus près de l'objectif issu de la randomisation, 140 mmHg pour un groupe, 120 mmHg pour l'autre. C’était donc une étude en ouvert, même si les critères principaux et les critères secondaires de jugement ont été évalués en aveugle du groupe de randomisation.
Arrêt précoce pour supériorité dans le groupe 120 mmHg
La PA moyenne a été de 136/76 mmHg dans le groupe des patients à objectif 140 et 121/69 mmHg dans le groupe à objectif 120. Le comité de surveillance a décidé d'une clôture de l'étude plus précoce que ce qui avait été planifié, soit un peu plus de trois ans de suivi médian alors qu'un suivi de cinq ans avait été initialement prévu, et ce en raison d'une supériorité statistiquement significative dans le groupe ayant l’objectif à moins de 120 mmHg. Différence certes dans le critère principal de jugement qui combinait la survenue d'un évènement coronaire, d'un accident vasculaire cérébral, d'une poussée d'insuffisance cardiaque ou d’un décès cardiovasculaire, mais aussi réduction statistiquement significative des décès toute cause (réduction de 27 % [intervalle de confiance à 95 % : 10 % - 40 % ; p = 0,003]). Les résultats sont similaires dans le sous-groupe des 2 500 patients de plus de 75 ans (3).
Bien entendu, les patients randomisés 120 mm Hg se sont vus prescrire plus d’antihypertenseurs, trois médicaments par patient en moyenne contre deux médicaments dans l’autre groupe ; ils ont donc présenté des effets adverses plus fréquents.
Deux précautions importantes pour la mesure de la PA
Comme dans l'étude HYVET, l'étude SPRINT a mesuré la PA des patients en position debout lors de toutes les consultations principales. Cet élément a probablement été partie prenante dans la faible incidence des effets adverses. Devrions-nous prendre nos décisions d’ajustement du traitement antihypertenseur sur la PA assise, couchée ou debout de nos patients ?
La PA dans l'étude SPRINT a été prise certes au cabinet médical mais avec un Dinamap et ce en l'absence du médecin (prise de PA automatisée). Il est probable que le niveau de PA mesurée dans ces conditions soit plus proche de la PA ambulatoire que de la PA casuelle mesurée par le médecin au cabinet médical. En effet, une étude récente comparant les différentes méthodes de mesure de la PA a retrouvé des différences moyennes de 10 à 15 mmHg entre la mesure au cabinet médical et la mesure par dinamap (4). L’objectif de 120 mmHg de SPRINT devrait-il être traduit à un objectif à 130-135 mmHg en mesure au cabinet médical ?
En conclusion
Même si l'étude SPRINT ne répond pas à l'intégralité de la question scientifique, même si, comme toujours, on peut trouver de nombreuses limitations à cette étude, il faut considérer qu'elle ouvre la voie vers une optimisation de la prévention cardiovasculaire chez nos patients hypertendus. Il ne faudra à l'évidence pas ramener à 120 mmHg de PA systolique tous nos patients hypertendus, en particulier sûrement pas ceux âgés de plus de 80 ans et sûrement pas ceux présentant une hypotension orthostatique. Néanmoins, il faut aujourd'hui considérer qu'une partie de nos patients hypertendus va bénéficier d'un objectif tensionnel plus ambitieux. Il reste à préciser les caractéristiques de cette population.
Hôtel-Dieu. Université Paris-Descartes, Paris
(1) Blacher J et al. Presse Med 2013;42:819-25
(2) Wright JT Jr, Williamson JD, Whelton PK, et al. SPRINT Research Group. N Engl J Med 2015;373:2103-16.
(3) Williamson JD et al. JAMA 2016;315:2673-82.
(4) Filipovský J et al. Blood Press 2016;25:228-34.
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