Cancer colorectal

Vers des traitements adjuvants plus courts ?

Par
Publié le 26/11/2018
cancer du côlon

cancer du côlon
Crédit photo : Phanie

La publication de l’étude IDEA (1) a marqué le début de l’année 2018 par les discussions qu’elle a engendrées. Afin de réduire la neurotoxicité cumulative responsable d’un risque de neuropathies périphériques, elle avait pour objectif d’évaluer la non-infériorité d’une durée de 3 mois par rapport à la durée classique de 6 mois. Cette importante étude internationale a enrôlé 12 634 patients au travers de 6 essais, traités selon le schéma FOLFOX (5FU, leucovorine et oxaliplatine) ou CAPOX (capécitabine et oxaliplatine). Les résultats poolés sur la survie sans progression à 5/6 ans montrent un taux de rechutes globalement plus important dans le bras à 3 mois.

Des interprétations lourdes de conséquences

L’étude est négative, puisqu’elle ne confirme pas la non-infériorité d’une durée de 3 mois de traitement. En analysant les sous-groupes, on constate que la survie sans progression est légèrement supérieure après 6 mois de traitement, sauf chez ceux qui ont reçu le schéma CAPOX qui semble d’une efficacité moindre que le FOLFOX utilisé en France. D’où des interprétations divergentes selon les pays. Ainsi en France, on devrait privilégier une durée de 6 mois pour le FOLFOX. Par contre le CAPOX étant moins toxique sur 3 mois pour une efficacité équivalente, il pourrait être envisagé ainsi chez les patients à bas risque. La question reste ouverte entre réduire globalement la durée de la chimiothérapie ou proposer d’arrêter l’oxaliplatine seulement chez les patients présentant une neuropathie. « Mais comment se positionner entre un bénéfice immédiat par la réduction des effets indésirables et un risque de rechutes dont on ne connaît pas les conséquences au long cours sur la mortalité ? Dans la mesure où nous n’aurons pas les résultats des données épidémiologiques avant 15 à 20 ans, c’est toute notre responsabilité médicale qui est engagée » s’interroge le Pr Raymond.  

L’ADN circulant pour l’évaluation du risque de rechute

Même après une exérèse chirurgicale complète, le taux de rechute des stades II et III est important, du fait de la persistance d’une maladie résiduelle microscopique impossible à détecter par l’imagerie conventionnelle qui ne repère pas les lésions inférieures à 0,5 mm. On propose donc en complément une chimiothérapie adjuvante à tous les patients, avec les effets iatrogènes inhérents, alors que certains sont indemnes de toute lésion résiduelle. Plutôt que d’essayer de réduire la durée de la chimiothérapie, une des alternatives serait plutôt d’identifier et de ne traiter que ceux qui sont le plus à risque de récidives. La solution pourrait venir de la recherche de l’ADN tumoral circulant, des quantités même minimes témoignant de la persistance de cellules tumorales susceptibles de provoquer ultérieurement des métastases. Une étude présentée à l’ESMO (2) a inclus 130 patients atteints de cancer colorectal de stade III, chez qui des prélèvements ont été effectués régulièrement après chirurgie afin de détecter de l’ADN tumoral et repérer la récidive avant l’imagerie. Elle confirme qu’en cas d’ADN tumoral circulant en postopératoire ou même après chimiothérapie complémentaire, le risque de récidive est bien plus important. Le pronostic est meilleur en son absence, même si une très faible proportion de rechutes n’est pas à exclure.
 

[[asset:image:7460 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["La persistance d\u0027ADN circulant postop\u00e9ratoire est associ\u00e9e \u00e0 un plus haut risque de r\u00e9cidive"]}]]

On pourrait ainsi mieux identifier les patients à risque et renforcer le traitement chez ceux qui le nécessitent. La prochaine étape sera d’évaluer l’impact d’une prise de décision thérapeutique basé sur l’ADN circulant en postopératoire.

D’après un entretien avec le Pr Eric Raymond, Chef de Service Oncologie Médicale, Centre Hospitalier Paris Saint-Joseph 
(1)   A. Grothey & al, Duration of Adjuvant Chemotherapy for Stage III Colon Cancer, N Engl J Med 2018;378:1177-88, DOI: 10.1056/NEJMoa1713709
(2)   T. Reinert & al, Serial circulating tumor DNA analysis for detection of residual disease, assessment of adjuvant therapy efficacy and for early recurrence detection, Annals of Oncology (2018) 29 (suppl_8): viii150-viii204. 10.1093/annonc/mdy281, ESMO 2018 Congress

Dr Maia Bovard-Gouffrant
En complément

Source : Bilan Spécialiste